tribunes

DRH et santé : à nous de jouer !

Face à des patients dont l’état de santé est souvent bien abîmé par le travail, le monde médical porte sur nous, employeurs, un regard plutôt désabusé. C’est ici que la Giorgina Reid qui sommeille en moi se réveille. Le phare pointe vers nous, debout les RH !

Selon IPSOS, 45 % des salariés trouvent que le climat social a régressé, alors même qu’il n’y a pas vraiment de mouvements sociaux. Pas de grève, et pourtant un signe inhabituel de désengagement profond que nous n’arrivons pas vraiment à qualifier. Comme si nous ne répondions pas à ce qu’attendent nos équipiers. Je suis convaincue que cette situation a un rapport avec l’épuisement physique, psychique et psychologique des équipes. Si nous ne voulons pas arriver au « great resignation » de nos voisins outre-Atlantique, rappelons-nous que nous avons le devoir (juridique) de mettre en sécurité nos collaborateurs, et investissons à plein le sujet de la santé !

RH et soignant : même mission ?

« Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien », nous dit la philosophe et psychanalyste française Cynthia Fleury dans son Essai « Le soin est un humanisme ». Je pense qu’il y a un parallèle entre la mission des soignants et notre mission RH. Nous devons en effet prendre soin des collaborateurs pour leur permettre de donner le meilleur d’eux-mêmes, au mieux de leurs capacités, et in fine décupler les performances business de l’entreprise. A l’occasion du e-afterwork EX que nous avions organisé en septembre 2020, Benoît Meyronin nous présentait les 4 besoins de l’éthique du care : le besoin de confiance, le besoin de reconnaissance, le besoin d’agir et enfin, le besoin d’être écouté et le cas échéant d’être accompagné. C’est une éthique du prendre soin, de l’attention à l’autre. RH et soignant sont deux fonctions au service d’une même cause.

Nous, RH, sommes les architectes d’une Expérience de qualité au sein de nos entreprises. C’est un peu comme si nous étions les auteurs d’une pièce de théâtre : le texte, la scène, les accessoires sont à notre main. Par contre, bien évidemment, la manière dont va se jouer la pièce ne nous appartient pas. Chacun des acteurs est responsable de jouer son rôle comme il le souhaite, dans le cadre que nous, employeurs, lui proposons.

Fin 2020, 10% des salariés risquaient un burnout sévère, soit 2 millions de salariés, selon Empreinte Humaine. En février 2021 l’OMS a déclaré la fatigue pandémique comme dangereuse pour la santé mentale. La dernière étude de tendances d’engagement des salariés réalisée par IPSOS, intitulée « Automne 2021 : fin d’une parenthèse enchantée ? », met en évidence que la fatigue apparaît comme l’item dont les employeurs doivent se préoccuper urgemment.


Quelle illustration du monde du travail souhaitons-nous être pour nos enfants ?

Derrière chaque collaborateur, il y a une famille et des amis. Une femme, un mari, des parents, des enfants. C’est à ces gens-là que nous, RH, devons rendre des comptes. Qu’est-ce que nous répondrons à des enfants qui nous demanderons, droit dans les yeux : « papa est devenu malade à cause du travail ; pourquoi tu n’as rien fait ? ». Ne nous cachons pas derrière un « non mais tu sais, ton papa était fragile ». N’est-ce pas une pirouette malhonnête de notre part ?


Il y a fort à parier que le « travaille bien à l’école, tu auras un bon travail » batte de l’aile. Je ne suis pas certaine que lorsque nos enfants regardent beaucoup d’entre nous, fatigués, cernés jusqu’aux pieds, plutôt à se disputer avec l’autre parent, s’il est toujours à la maison d’ailleurs, et bien nous leur donnions vraiment envie de « bien travailler à l’école ».


Un « Nôtre » monde du travail à construire

Je rêve d’un meilleur monde du travail. D’un monde où chacune et chacun s’épanouit, fait de belles rencontres, se développe, grandit, devient soi-même.

A quoi cela sert de vivre une crise si nous ne sommes pas capables d’en faire quelque chose ? On attend la prochaine pour voir ? Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et une chose est sûre, plus on tarde à réagir, plus le balancier revient vite et fort. Cette période que nous vivons est une formidable opportunité pour construire un « Nôtre » monde du travail. Nous avons le crayon à la main, alors écrivons l’histoire dont nous serons les aïeux qui auront mieux fait que leurs prédécesseurs. C’est pas canon comme projet ? Devenons ces aïeux meilleurs !


Et si la Santé devenait l’un de nos axes stratégiques RH ?

Dans son article « Le hamster épris de ciel bleu », publié tout début du premier confinement, Boris Sirbey écrit que les bouleversements et les maladies ne surviennent pas par hasard. Il rappelle les quatre facteurs de comorbidité que sont le stress, une mauvaise alimentation, la sédentarité et la pollution. Alors je me dis que nous avons une carte à jouer ! Nous employeurs, pouvant en effet agir sur les quatre !

N’oublions pas la santé de notre esprit. Le courant du leadership spirituel fait son entrée dans nos entreprises européennes. Aussi incongru que cela puisse paraître dans notre culture, des recherches scientifiques internationales largement étayées par Catherine Voynnet-Fourboul, co-fondatrice de l’association « Spiritualité au travail et management », notamment dans son dernier ouvrage « Leadership spirituel en pratiques », mettent en avant les impacts positifs des pratiques spirituelles sur les disciplines de gestion (lieu et environnement de travail, bien-être des salariés et leur qualité de vie, les styles de leadership, RSE, l’éthique, prise de décision). La spiritualité propose une vision holistique de l’individu en ce sens qu’elle le considère tant dans sa vie personnelle, que professionnelle, avec pour ambition d’améliorer la conscience de soi.

Nous cherchons plein d’idées pour être un employeur attractif. En fait, je pense que ce n’est pas compliqué : cette fois-ci, l’innovation consiste à revenir aux basiques. Soyons simples, gentils comme nous le rappelait Parlons RH, sincères, authentiques, proches des équipes, prenons soins d’elles, faisons leur confiance … et hop, la magie s’opèrera, promis !

Anne Vonbank est Responsable Expérience Collaborateur et Communication RH à la DRH du Groupe Crédit Agricole SA. Le fil rouge de son parcours est la #coalescence, la #créativité, l’#espritcritique, la #coopération, la #communication et la #compassion. Anne est également co-auteur du livre « Au cœur de l’Expérience Collaborateur » qui vient juste de paraître aux Editions EMS Management et Sociétés.

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