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Dialogue social : la puissance du contrat

Le dialogue social, c’est so XXe siècle ! Un mode de gestion du conflit hérité de la guerre froide, où des syndicats jugés représentatifs pour leur attitude sous l’Occupation se confrontaient à un patronat dominé par l’ex-Comité des forges.

C’était le deal de l’après-guerre : patrons et salariés négociaient ensemble un partage général mais limité des fruits de la croissance, tout en cogérant la Sécurité sociale. Des organismes paritaires disséminés dans toute la société et toutes les entreprises assuraient la gouvernance de cet équilibre dynamique.

Cette approche a-t-elle encore un sens au XXIe siècle ? Sans aucun doute, oui. Certes, aujourd’hui, il s’agit moins de partager les fruits de la croissance que d’affronter la pénurie, ainsi que le sang, la sueur et les larmes de la lutte contre le changement climatique. Mais la co-construction entre représentants des salariés et des employeurs n’en est que plus urgente. C’est sur le terrain que les entreprises les plus audacieuses réinventeront un dialogue social créateur et transformateur.

1. L’accord d’entreprise, un contrat RH interne

Le dialogue social, c’est l’imbrication complexe de différents niveaux de négociation : national, branches, entreprises. Traditionnellement, les syndicats poussent à des avancées au plus haut niveau, bénéficiant à tous ; et les employeurs privilégient les accords au plus près du terrain. C’est ce dernier niveau que les réformes du travail des années 2015-2018 ont cherché à renforcer. Quelques années plus tard, l’accord d’entreprise a de fait explosé en quantité, en grande partie sous l’influence de lois qui le rendaient obligatoire pour obtenir certains avantages ou mettre en place certains dispositifs (activité partielle, télétravail). Mais l’habitude est prise, et l’accord d’entreprise a tout pour devenir un vecteur de l’innovation RH et un véhicule privilégié du contrat social interne aux organisations.

2. Le casse-tête du dialogue social dans les PME

Le dialogue social souffre cependant d’un éternel angle mort : un tiers des salariés évoluent dans des TPE-PME, dans lesquelles la négociation sociale n’est pas facile à déployer, faute de combattants. Il y a là un enjeu d’équité, mais aussi de performance collective : il y a des TPE-PME dans tous les écosystèmes productifs.

On pourrait se dire que de toute façon, le dialogue social tel qu’il est déployé dans les grandes organisations est impraticable pour une TPE-PME. Mais ce n’est pas vraiment le sujet. Ce qui est vertueux et innovant dans le dialogue social, c’est la contractualisation : le fait de mettre sur papier des règles négociées ensemble. C’est toute la spécificité de cet outil, et moyennant les adaptations de rigueur, les TPE-PME n’ont pas de raison de s’en priver.

3. Dialogue social et expérience collaborateur, le couple de l’année

Le dialogue social n’est pas la V1 obsolète de l’expérience collaborateur, ni une survivance amenée à disparaître dans les entreprises les plus agiles et innovantes. Bien au contraire. On ne remplacera pas les négociations formelles entre employeurs et salariés par des boucles de feed-back RH. Il y a une différence de taille entre un processus de concertation continue sur le quotidien du travail et un agenda de négociations visant à redéfinir les règles ensemble. Dans une entreprise éclairée, l’expérience collaborateur contribue à un dialogue social plus fluide et constructif, qui à son tour bénéficie à l’expérience collaborateur. Mais il faut une volonté RH forte.

4. L’irrésistible ascension du participatif

Nous sommes donc à la veille d’une grande conjonction : maturité des esprits et maturité des techniques convergent vers une participation toujours plus poussée des salariés à la gouvernance des entreprises. Il ne s’agit pas nécessairement de la « démocratie d’entreprise » qui a si longtemps effrayé le patronat français le plus traditionnel. Mais plutôt du fait que les collaborateurs seront amenés à prendre de plus en plus part, de façon formelle, à la définition des conditions de production et même de la stratégie à leur propre niveau – département, établissement, filiale, groupe… Ce vieil idéal, dont la cogestion est la version de gauche et l’actionnariat salarié la version gaulliste, est amené à s’incarner dans un nombre croissant de modèles originaux et innovants dans les années à venir.

5. La révolution digitale silencieuse du dialogue social

La digitalisation du dialogue social a suivi celle de l’organisation, sans avoir l’air de rien, par la dématérialisation de ses modalités physiques : vote électronique, réunions à distance, base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE). Simples rationalisations en apparence. Pourtant, à l’arrivée, toutes les conditions d’un véritable bouleversement sont réunies. Le vote électronique peut remobiliser les électeurs et renforcer la légitimité des élus. Les réunions à distance rassemblent plus large, jusque dans les filiales reculées. La BDESE donne un accès réel et instantané à toutes les données nécessaires aux travaux et à l’influence du CSE. Bien sûr, ces évolutions peuvent très bien n’avoir aucun effet, voire diluer le dialogue social dans un brouillard de possibilités numériques non réalisées. Mais pour peu que l’on s’empare des outils de façon résolue et structurée, le potentiel de transformation est considérable.

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Crédit photo : iStock / Anton Vierietin

Stéphane a développé son appétence pour la création de contenus au cours de plusieurs expériences variées, en start-up et en agence. Passionné par l’univers des ressources humaines, tout particulièrement par la marque employeur et le recrutement, il officie chez Parlons RH en qualité de Content Manager. À la suite de sa licence Économie-Gestion, il obtient un Master 2 en Communication et Management du sport à l’ESG Management School de Paris.

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