interviews

Catherine Barba : « Les freelances deviennent la pierre angulaire d’une workforce flexible »

Serial entrepreneure et business angel française, Catherine Barba est l’une des expertes françaises incontournables de l’e-commerce, de l’omnicanal et de la transformation numérique. Des sujets sur lesquels elle a travaillé pendant plus de 20 ans, avant de co-fonder sa quatrième entreprise : Envi, une école dédiée aux indépendants et aux freelances. Aujourd’hui, elle partage avec nous ses insights sur le Future of Work et nous dévoile les tendances qui animeront, selon elle, l’écosystème RH cette année. Et si « élargir » l’entreprise « dedans et dehors » était une solution face à la fuite des talents ?

LA tendance RH qui fera 2024 ?

Dans le contexte actuel de guerre des talents, la tendance majeure pour moi est l’apparition, dans les stratégies RH, du sujet du freelancing au-delà des seuls besoins IT ou digitaux. Si le sujet n’est pas nouveau sur ces verticales, le freelancing est en train de toucher tous les autres métiers. Les freelances sont en train de devenir la pierre angulaire d’une workforce flexible. Beaucoup de talents indispensables à la croissance des entreprises ne souhaitent plus être recrutés ; sans être des salariés comme les autres, les freelances vont désormais faire partie d’un corps social à part entière. Je vois, d’ailleurs, de plus en plus d’entreprises novatrices repenser leur onboarding ou leur dédier des programmes de talent management.

Celle qui va droit dans le mur ?

La démarche qui consiste à faire de la « rétention ». Ce vocable du champ lexical carcéral m’a toujours étonnée. On voit partout de plus en plus de salariés exprimer leur envie de quitter le navire pour se mettre à leur compte (souvent d’ailleurs en fantasmant la vie d’entrepreneur qui est loin d’être une sinécure !).

Plutôt que de se figer dans une logique de rétention, certaines entreprises vont jusqu’à financer leur formation à la création d’entreprise et leur proposer de trouver des ponts pour continuer à travailler ensemble. D’autres encouragent leurs salariés à avoir des vies professionnelles plurielles. Elles ne redoutent pas la désagrégation du collectif, à raison. L’enjeu n’est pas tant de retenir que de réussir à aligner les intérêts de l’entreprise sur ceux des collaborateurs, d’inventer le moyen de créer de la valeur autrement, de travailler l’employabilité des personnes au-delà des frontières de l’entreprise. Il faut laisser la cage ouverte pour que l’oiseau puisse mieux revenir comme dit le proverbe chinois !

La confiance, maître mot d’une transformation réussie de l’entreprise ?

Que l’on soit salarié ou entrepreneur, la confiance est le socle de toute mise en mouvement. Cultiver la confiance en soi, dans l’avenir, dans le collectif est un prérequis essentiel pour agir avec agilité. Car c’est dans la confiance que l’on puise l’énergie pour oser avancer, se dépasser, devenir qui l’on est, et transformer son entreprise.

Chez Envi, avec l’aide de chercheurs en neurosciences, nous avons développé un programme qui muscle la confiance et l’énergie des managers et des collaborateurs, leur mindset d’entrepreneurs, de « bougeurs ». L’objectif est de faire de chacun un innovateur dans le cadre. C’est un positionnement unique. On mesure la corrélation entre le niveau de confiance et la transformation. La confiance n’est pas de la poésie pour l’entreprise, mais des mathématiques !

L’entreprise élargie, modèle d’organisation incontournable de demain ?

La distinction « dedans/dehors » a de moins en moins de sens, car les entreprises collaborent de plus en plus avec des talents extérieurs pour capter de nouvelles compétences et des profils rares sur un marché compétitif. La valeur se crée autant en dehors des organisations qu’à l’intérieur. Cela oblige les entreprises à repenser ce qu’elles sont et à se voir davantage comme un hub de compétences, une plate-forme, une communauté dont les parties prenantes sont multiples, comme l’écrit Laëtitia Vitaud, auteure du remarquable livre Du labeur à l’ouvrage. S’ouvrir aux indépendants, c’est inventer les contours d’un nouveau modèle d’entreprise élargie. Un défi majeur pour les managers et les équipes RH : accorder un soin équitable aux talents internes et aux freelances.

2 conseils à donner à la fonction RH pour étendre sa démarche d’expérience collaborateur aux freelances ?

La responsabilité des professionnels RH est grande. Il faudrait d’ailleurs les renommer « professionnels de l’Innovation RH » ! Ils travaillent le cœur de ce qui va faire ou non le succès de la transformation de l’entreprise : l’actif humain. Soyez-en les moteurs, osez tester !

Pour cela, il faut commencer à muscler sa propre confiance pour renouer avec l’esprit d’entreprendre, indispensable à la transformation.

Je les invite, également, à rejoindre le Do Tank Future of Work, ce collectif unique que nous avons créé avec Catherine Bouchon-Hornstein et 7 grands groupes en effervescence RH pour partager et expérimenter les pratiques RH les plus innovantes, notamment autour du freelancing, de l’esprit d’entreprendre, de l’IA, du leader de demain…

Rien de mieux pour prendre une longueur d’avance sur ces sujets que de se confronter à ce que font les autres. J’ai toujours été une amoureuse de la diversité. Ce sont les frottements et les divergences qui produisent de l’innovation. Il faut accepter d’être dérangé pour innover.

Télétravail : stop ou encore en 2024 ?

Encore, sans l’ombre d’un doute. La question pour les entreprises est de créer un engagement solide chez les collaborateurs, sans cette distinction « dedans/dehors », avec des freelances et des salariés, certains en présentiel et d’autres en distanciel. L’équation est loin d’être simple ! Tout l’enjeu pour un manager ou un dirigeant est de réussir cet exercice d’équilibriste entre l’autorité que l’on exerce et la confiance que l’on accorde.

Le titre de film qui résumera 2024 en RH ?

L’aventure, c’est l’aventure.

> Tendances RH 2024 : retrouvez notre dossier complet.

Sportifs, politiques, médecins, entrepreneurs, humoristes etc. : 24 personnalités prennent la parole afin de nous livrer leur vision des RH et du monde professionnel de l’année à venir. Leurs interviews sont à retrouver du 15 décembre au 18 mars, sur le média Parlons RH. 

Crédit photo : Estelle Poulalion

Touche-à-tout en marketing digital, Sandrine a d’abord aiguisé sa plume dans des domaines aussi divers que la chimie réglementaire, la maintenance industrielle ou la réalité virtuelle. Écrire pour les ressources humaines lui offre l’opportunité de traiter une palette variée de sujets tout en s’engageant dans des thématiques qui touchent profondément à l’humain et à la vie en entreprise. Elle est également passionnée par les jeux de rôle papier et les jeux de plateau, sources inépuisables d’inspiration et de créativité.

Crédit photo : Le Mitrailleur photos

Les derniers articles

Revue du web #546 : covering, amour artificiel et courrier venimeux

On commence avec un constat préoccupant : en ce mois des fiertés, près d’un salarié…

13 juin 2025

La fin du flou : pourquoi la transparence salariale va rebattre les cartes RH

Derrière la contrainte réglementaire, se profile une opportunité majeure : transformer la fonction RH en…

13 juin 2025

Monter en compétences grâce à l’IA : le moment de vérité pour les RH

Les besoins de montée en compétences sont criants, l’IA générative est prête, l’accompagnement disponible, l’impact…

12 juin 2025

[Baromètre] L’IA : le début d’une grande aventure humaine

Nous proposons cette première édition du baromètre national de l'IA vue par les professionnels des…

12 juin 2025

On ne peut pas se contenter de tactiques IA il faut une stratégie

Pour Mohamed Zaghou, le tournant viendra avec la transformation des organisations elles-mêmes.

11 juin 2025

Discrimination : combien de parcours encore brisés en silence ?

Il y a des chiffres qui claquent comme une gifle : 78 % des discriminations…

10 juin 2025