Soft skills des RH par excellence, l’empathie est largement plébiscitée comme une compétence à maîtriser pour accompagner les salariés, aussi bien dans la gestion des besoins du quotidien que dans les situations difficiles. Or, elle n’est pas plus une technique qu’une solution à appliquer en toutes circonstances. Il vaut mieux se montrer prudent vis-à-vis de cette notion galvaudée.
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L’empathie est cette faculté qui me permet de me projeter à la place d’autrui et de me figurer ainsi ce qu’il peut ressentir. L’empathie désigne donc un champ de réaction très large. Elle se manifeste aussi bien devant un inconnu qui trébuche dans la rue que devant un proche qui traverse une véritable épreuve. Mais ces mêmes situations peuvent aussi bien, selon le contexte, ne pas déclencher mon empathie et, à la place, me faire rire ou m’impatienter. En réalité, nous sommes tous des empathiques à géométrie variable.
Vous me direz : « Tout de même, certains ont le don de faire plus preuve d’empathie que d’autres ». Je vous répondrais que vous confondez un caractère avec une qualité. Pour cela, je m’appuie sur le constat d’Adam Waytz, psychologue et maître de conférences en management et organisations à la Kellogg School of Management de l’université de Northwestern, qu’il existe des effets contre-productifs de l’empathie (Harvard Business School, 2016) :
Un promeneur qui porterait secours à toutes personnes en difficulté sur son trajet le ferait au détriment de ses propres occupations. De même, l’écoute offerte à un collaborateur, si elle peut le soulager à court terme, participera en fait peut-être au maintien d’un problème récurrent. Le bon sens, validé a priori par la vulgarisation des sciences humaines, nous incite pourtant à croire qu’il est toujours positif de comprendre l’autre. Mais c’est loin d’être le cas.
Dans son ouvrage « L’anatomie du scénario » (2007), John Truby, scénariste et réalisateur américain, explique que le spectateur s’identifie au désir du héros et non à ses caractéristiques spécifiques. Pour le dramaturge, les motivations des protagonistes constituent le squelette des personnages, alors que leur apparence, leur personnalité ou le cadre dans lequel ils évoluent n’en sont que la chair. Ainsi, confortablement installé dans un canapé, la pulsion meurtrière de Dexter nous est tout aussi accessible que l’embarras d’un collaborateur qui prend place dans notre bureau. Le travail du scénariste consiste justement à rendre aisé et plaisant cet exercice qui nous demande un effort parfois intense dans la réalité, parce qu’il dépend davantage d’habiletés de l’esprit que du cœur.
Pour aider autrui, il ne suffit pas de se mettre à sa place. Il faut encore, une fois à sa place, trouver de meilleures solutions qu’il n’a été capable de le faire – puisqu’il se retrouve bloqué et vient nous demander de l’aide. À force d’exercice, de patience et de discernement, il devient possible de transformer une disposition naturelle de l’âme – l’empathie – en un savoir-faire utile – l’empathie mise au service de la résolution d’un problème.
Pour faire suffisamment croître son capital technique et pouvoir s’approprier les problématiques d’un interlocuteur qui sollicite légitimement notre conseil, il importe de développer toute une série d’habiletés :
Voici un exemple pour illustrer ces différentes aptitudes. Une RRH reçoit une collaboratrice. Celle-ci se plaint de subir du « harcèlement » de la part d’une autre collègue nouvellement arrivée.
Ici, et également de manière générale, l’empathie n’est pas une finalité en soi, mais au contraire un point de départ pour une démarche intellectuelle. Car aider l’autre, ce n’est pas pleurer avec lui, mais travailler à lui donner une raison de sécher ses larmes.
Pour conclure, je voudrais vous partager une ultime définition de l’empathie, celle qui me semble la plus pertinente. Elle a été élaborée par le psychologue Carl Rogers, célèbre pour avoir étudié l’empathie toute sa carrière durant, dans son dernier livre « A way of being » (1980) : « Être empathique, c’est percevoir le cadre de référence interne d’autrui aussi précisément que possible et avec les composants émotionnels et les significations qui lui appartiennent comme si l’on était cette personne, mais sans jamais perdre de vue la condition du ‘’comme si’’ ». Comme bien d’autres sages, de tous temps et de toutes les disciplines, Rogers nous exhorte donc à ne pas confondre l’outil avec la fin, si nous espérons en tirer les bienfaits plutôt que de malheureux contrecoups.
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Je suis d'accord avec vous concernant l'empathie et merci pour l'extrait de Carl Rogers sur celle-ci que je ne connaissais pas. Il a mis les mots juste.