Le 2 septembre 2015, Myriam El Khomri, alors Secrétaire d’État, est nommée ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. Nous la retrouvons plusieurs années après. Elle est aujourd’hui Directrice du Conseil chez DIOT-SIACI, leader du conseil et du courtage en assurance de biens et de personnes. Dans ce cadre, elle développe une approche pluridisciplinaire au service de la performance sociale et économique des entreprises. En cette journée internationale des droits des femmes, l’ancienne ministre nous livre sa vision des tendances RH de cette année 2024. Inclusion et dialogue social sont au programme.
Sommaire
Trois tendances fortes, ou enjeux, se dessinent à l’horizon 2024, selon moi. Premièrement, accompagner la nouvelle organisation du travail qui s’est esquissée au cours des dernières années et retrouver chez les salariés les véritables ressorts d’un nouvel engagement pour leur travail et l’entreprise.
Ensuite, adresser l’usure professionnelle en s’efforçant de la prévenir ou d’y obvier en utilisant notamment les fonds mis à disposition sur le sujet par l’article 17 de la loi portant sur la réforme des retraites.
Et enfin, inscrire l’indispensabilité de la diversité et de l’inclusion au fronton du temple.
Le tout télétravail.
Si la crise sanitaire nous a permis de rattraper une partie de notre retard en matière de télétravail – la France se situait à la moitié de la moyenne européenne pour ce qui est de sa pratique régulière ou occasionnelle – nous disposons désormais d’un recul suffisant pour en apprécier les effets positifs ou les nuancer. La pratique volontaire du télétravail, autour de 2 à 3 jours par semaine, est globalement vécue très positivement par ceux qui y ont accès, et y voient une souplesse et un meilleur équilibre entre leurs vies professionnelle et personnelle.
En revanche, lorsqu’il est pratiqué de façon intégrale, nous en constatons les dégâts sur la santé des collaborateurs (sédentarité professionnelle, risques psychosociaux etc.), mais également sur l’organisation du travail (baisse de motivation, augmentation de la charge de travail, sentiment d’isolement, perte de cohésion d’équipe etc.).
Essayez la consanguinité et l’anathème, et vous verrez.
La diversité, l’inclusion, mais aussi la RSE sont au cœur des préoccupations des plus grandes entreprises, mais les discriminations à l’embauche ont la peau dure et peinent à reculer. Outre le coût moral qu’elles engendrent, elles génèrent également un coût social et économique très lourd pour la collectivité. Je vous renvoie par ailleurs au rapport France Stratégie de 2016, lorsque j’étais ministre, qui déplore l’importance de la perte économique engendrée par ces discriminations.
Que l’on en fasse un enjeu de justice ou d’efficacité, il faut progresser fortement en la matière, d’autant que les tensions observées en matière de recrutement ainsi que les inquiétudes liées à l’attraction et à la rétention des talents devraient nous permettre de nous améliorer en ce sens.
Le principal défi auquel font face les DRH est l’apparition des nouvelles pauvretés qui malheureusement se développent dans la société et, par conséquent, au sein des entreprises. Lutter contre les inégalités sera un des axes prioritaires pour aider les salariés en situation de précarité, mais aussi pour accompagner les projets de transformations à venir.
Je crois qu’au fil des années, des lois et de l’évolution des mœurs, les inégalités se réduisent. Pas assez vite à mon goût, en revanche. Claudia Goldin, professeure d’économie à Harvard et prix Nobel 2023, a notamment montré que derrière l’enjeu de l’égalité salariale se cachait aussi celui de la flexibilité et de la souplesse dans l’organisation de son temps.
Alors, pour répondre strictement à la question posée : non. En 2024, on peut seulement espérer continuer de s’en rapprocher.
Mon premier conseil serait de mieux valoriser l’expérience syndicale dans les parcours professionnels. Cette dernière est parfois déconsidérée, alors qu’elle confère, au contraire, une connaissance aiguë du monde du travail et de ses enjeux, en démontrant une capacité à embrasser des problématiques à la fois collectives et individuelles.
Ensuite, je dirais qu’il est essentiel de faire confiance au dialogue social de proximité et de le revitaliser, afin d’être au plus près des lieux où les problèmes se posent.
Enfin, le troisième conseil que je peux livrer est de donner davantage de place dans le dialogue social aux sujets de santé et de sécurité au travail dans le but d’anticiper les changements liés aux mutations écologiques, numériques et démographiques, et d’améliorer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Bien sûr. Même si parfois la démocratie représentative semble un peu passée de mode, elle est, dans la sphère professionnelle, la plus importante garantie d’association des salariés aux multiples évolutions de leurs entreprises. Le monde du travail, entre la révolution numérique encore amplifiée par l’intelligence artificielle et la transition environnementale à opérer, subit des mutations d’une ampleur inédite et nous n’en sommes qu’au début. Ces mutations, pour qu’elles soient maîtrisées et choisies, plutôt que subies, pour qu’elles articulent besoins collectifs et aspirations individuelles, nous imposent un devoir de dialogue social plus exigeant que jamais.
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Sportifs, politiques, médecins, entrepreneurs, humoristes etc. : 24 personnalités prennent la parole afin de nous livrer leur vision des RH et du monde professionnel de l’année à venir. Leurs interviews sont à retrouver du 15 décembre au 18 mars, sur le média Parlons RH.
Crédit photo : Alain-Charles Beau
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