Professeur de psychiatrie et d’addictologie, chef des services de ces deux disciplines au sein des hôpitaux Bichat et Beaujon, Michel Lejoyeux a également publié plus de 25 ouvrages, dont certains destinés au grand public. Parmi eux : “En bonne santé avec Montaigne” ou encore “Les 4 saisons de la bonne humeur”, tous deux aux Éditions Le Livre de Poche. La préservation de la santé au travail est, pour lui, l’un des enjeux majeurs de la fonction RH d’aujourd’hui et de demain. Comment y parvenir ? Jusqu’où les ressources humaines peuvent-elles aller dans ce domaine aussi crucial que délicat, parfois ? Le professeur Lejoyeux nous livre sa vision des tendances RH de l’année 2024, avec méthode, clairvoyance et sincérité.
Sommaire
Il est évidemment difficile de prédire l’imprévisible. Nous voyons bien à quel point, aujourd’hui, la règle est justement la non-prévisibilité. Cette question de l’instabilité à répétition, qu’elle soit politique, internationale ou consécutive au Covid, devient une tendance majeure en entreprise, comme ailleurs. Les RH sont ainsi confrontées à des salariés de plus en plus déboussolés par des changements profonds qu’ils n’avaient pas anticipés.
Les deux grandes tendances RH pour 2024 me paraissent être :
En situation de crise, les professionnels de la fonction RH vont donc être appelés à revenir aux fondamentaux, autrement dit dans le champ de la médecine qui est le mien, aux pathologies bien caractérisées. Ils devront également maîtriser les principes des stratégies relationnelles telles que les formalisent les modèles de psychologie. Je pense spécifiquement au modèle cognitivo-comportemental ou au modèle motivationnel.
Deux autres tendances fortes vont également marquer 2024, selon moi :
La tendance RH qui va dans le mur me paraît être la recherche permanente d’une sérénité complète, d’un épanouissement sans limites et d’une maîtrise de toutes les situations. Dans un contexte d’imprévisibilité, il est plus pertinent de repérer en priorité les salariés en plus grande difficulté, que de conduire l’ensemble du collectif de travail vers un état de bonheur illusoire.
Les modèles « originaux » d’accession à des états d’épanouissement, de bien-être ou de bonheur risquent d’être impactés par les faits, à savoir les difficultés que connaissent les DRH, tant pour eux-mêmes que pour les personnels qu’ils encadrent.
La santé se définit classiquement comme le bonheur dans le silence des organes. Autrement dit, un état d’absence de maladie. Le médecin que je suis, souhaite que la culture de la santé publique, de la prévention et du dépistage se développe.
Il existe des paradoxes contemporains : rechercher un état de bien-être en mangeant le plus sainement possible, en ayant une relation à l’informatique la plus contrôlée. Tout cela en continuant à fumer ou à boire à l’excès. C’est bien sûr une aberration.
La clé pour une préservation efficace de la santé au travail est donc de connaître, vraiment, les risques objectifs menaçant les salariés. Un équilibre est à trouver entre des actions de prévention individuelles et collectives et des actions de dépistage primaires auxquelles, j’insiste, les RH ne pourront « échapper ».
Elles peuvent instaurer une atmosphère générale de santé en entreprise. Cela veut notamment dire repérer les rituels toxiques pour la santé. Ce peut être, par exemple, des alcoolisations « obligatoires » en fin de semaine, ou des habitudes d’interactions toxiques ou agressives.
Les RH, évidemment, ne soignent pas, mais leur métier est d’organiser une politique d’anti-déni bienveillante, permettant à celles et ceux qui ont besoin de soins, d’y accéder.
Une autre stratégie attendue de la part des RH est la mise en place de rituels protecteurs, individuels ou collectifs. Cette question de la santé ne peut se gérer qu’en équipe et en multidisciplinaire, en associant la direction générale, les médecins du travail, les infirmiers en santé au travail et les travailleurs sociaux. Un des enjeux est de trouver un bon équilibre entre la nécessaire « intrusion bienveillante » pour celles et ceux qui vont le moins bien, et le respect de la confidentialité, propre à toute intervention dans un champ médical.
Il existe, dans ce domaine, un besoin de formation spécifique. Je la réalise personnellement pour quelques collectifs de travail. Elle peut être généralisée à d’autres. Il faut une formation prudente, apportant à la fois :
Tout cela fait l’objet de programmes complets, adaptés au contexte de chaque entreprise et réalisés par des professionnels capables de communiquer sans jargonner, ni se limiter à des formules uniquement techniques.
Le principal défi concernera la charge mentale. Il faudra passer de cette question un peu floue de charge mentale, qui est une forme moderne de stress professionnel, à une approche rigoureuse permettant :
Un grand déterminant de la charge mentale, souvent méconnu, est la présence de conduites addictives, telles que la consommation d’alcool ou de tabac.
La vigilance vis-à-vis de ces produits et la mise en place de prévention est une action à reconduire régulièrement.
Je dirais, d’abord, en adoptant une politique cohérente de prévention, d’autorisation et d’expression de ce qui n’est pas la bonne humeur, mais également de coordination entre les fonctions RH et médicales. J’ajouterais, enfin en ayant des RH elles-mêmes de bonne humeur.
> Tendances RH 2024 : retrouvez notre dossier complet.
Sportifs, politiques, médecins, entrepreneurs, humoristes etc. : 24 personnalités prennent la parole afin de nous livrer leur vision des RH et du monde professionnel de l’année à venir. Leurs interviews sont à retrouver du 15 décembre au 18 mars, sur le média Parlons RH.
Crédit photo : Editions Robert Laffont (c) Astrid di Crollalanza
Loin d’être une solution universelle, l’IA doit être un levier d’optimisation, pas un substitut à…
Pour Mohamed Mokrani, DRH de LPCR, proposer des places en crèche permet aux entreprises de…
Tous les mois, retrouvez une définition claire, accompagnée d’une mise en contexte, de chiffres clés…
Le taux d’emploi atteint des sommets, mais tous les profils en profitent-ils de la même…
Invisibilisées, parfois minimisées, les menstruations – et autres sujets liés à la santé féminine, telles…
Dans cette revue du web, signaux d’alerte sur le burn-out, expérimentation sociale dans la restauration…