Invisibilisées, parfois minimisées, les menstruations – et autres sujets liés à la santé féminine, telles que les règles douloureuses ou l’endométriose – ne se situent pas (encore) au centre des préoccupations et politiques RH. Pourtant, leurs conséquences sur la vie professionnelle des femmes sont bien réelles : douleurs, absentéisme, fatigue chronique, repli sur soi, voire désengagement. Alors que certaines entreprises commencent timidement à se saisir du sujet, il devient urgent de briser le tabou pour construire des environnements de travail plus inclusifs, bienveillants et adaptés aux besoins de toutes et tous. Au programme : chiffres clés, analyse et bonnes pratiques.
Sommaire
Longtemps entachées par une image « sale » ou « honteuse », les menstruations demeurent un sujet tabou pour une personne sur deux en France. C’est ce que révèle une enquête OpinionWay pour l’association Règles Élémentaires, publiée en mai 2022. Un constat préoccupant, surtout quand on sait à quel point les menstruations peuvent impacter la vie quotidienne – et donc la vie professionnelle – de millions de femmes, et ce, dans l’indifférence.
Dans la sphère professionnelle, ce sentiment est encore plus marqué : 68 % des femmes estiment que les règles sont un sujet tabou en entreprise1. Pourtant, 65 % d’entre elles ont déjà été confrontées à des difficultés liées à leurs menstruations sur leur lieu de travail. Pire, 21 % des femmes salariées déclarent avoir déjà subi des moqueries ou des remarques désobligeantes à propos de leurs règles. Réflexions sexistes, remarques sur leur humeur ou sur leur motivation… Autant de micro-agressions qui participent à renforcer cette culture du silence.
Pour éviter toute forme de jugement, 4 femmes sur 10 préfèrent rester au travail malgré de fortes douleurs menstruelles, plutôt que de s’arrêter2. Seules 2 sur 10 ont déjà pris un congé à cause de leurs règles et ont reçu le soutien de leur employeur. Un soutien encore loin d’être la norme : 13 % des femmes confrontées à ces difficultés ne se sentent pas à l’aise d’en parler avec leur supérieur. Aussi, 36 % des femmes souffrant d’endométriose n’en ont pas informé leur direction3. Et pour cause, dans de nombreuses entreprises, la santé menstruelle n’est ni abordée, ni intégrée dans les politiques RH et reste exclue des formations managériales. Résultat : un sujet relégué à la sphère privée… et un tabou qui perdure.
Pourtant, les douleurs liées aux règles ne se résument pas à un simple « mal de ventre ». Elles sont bien souvent intenses, handicapantes, et varient énormément d’une femme à l’autre. Le baromètre Naturactive paru en 2024 est sans appel : 91 % des femmes déclarent avoir des douleurs pendant leurs menstruations, et près de 60 % les qualifient d’intenses voire d’extrêmement intenses. Parmi les symptômes les plus fréquents, on retrouve, les douleurs dans le bas-ventre (80 %), la fatigue (60 %), les douleurs lombaires (46 %), les migraines (39 %) et les nausées ou vomissements (19 %).
Des maux qui ne sont pas sans conséquences, puisqu’ils impactent directement et négativement les femmes en souffrant, dans l’exercice de leur activité professionnelle. Non seulement ils limitent l’implication des salariées dans certaines tâches ou moments de collaboration, mais ils freinent aussi, de manière plus insidieuse, leur progression de carrière. Se rendre au travail en serrant les dents ou renoncer à une opportunité parce qu’on sait qu’on ne tiendra pas physiquement, c’est une réalité pour des milliers de salariées.
Pour les femmes souffrant de pathologies chroniques comme l’endométriose, les symptômes peuvent être encore plus lourds. D’après le ministère de la Santé, 2,5 millions de femmes en France sont concernées, soit environ 1 femme menstruée sur 10. L’endométriose ne se limite pas à des règles douloureuses : fatigue chronique, troubles digestifs, douleurs pelviennes intenses même en dehors des règles… Elle peut rendre impossible le fait de se lever, de se concentrer, ou même simplement d’interagir avec ses collègues.
Et la souffrance ne s’arrête pas là. Le post-partum, les fausses couches, l’IVG ou les grossesses à complications sont d’autres événements vécus par de nombreuses femmes qui laissent des traces physiques, mais aussi psychologiques. Fatigue extrême, troubles de l’attention, stress, anxiété, culpabilité… ces conséquences ne disparaissent pas en franchissant la porte de l’entreprise.
Pourtant, la majorité des femmes retournent au travail sans accompagnement, sans reconnaissance, parfois même sans qu’un collègue ou un supérieur ne soit au courant de ce qu’elles traversent. Une invisibilisation qui alourdit encore la charge mentale et peut, à terme, entraîner un désengagement profond.
Le congé menstruel fait débat sur la place publique. Si certains y voient une avancée sociétale majeure, d’autres craignent l’apparition de nouvelles inégalités entre les hommes et les femmes. Ces dernières y sont néanmoins favorables. En 2021, une étude IFOP nous apprenait que 66 % des femmes étaient pour la mise en place d’un congé menstruel, déjà instauré par plusieurs pays autour du globe.
En effet, le Japon a été le premier pays à mettre en place un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses, et ce, dès 1947. Une initiative suivie de près par l’Indonésie (1948), la Corée du Sud (2001), Taïwan (2013) ou encore la Zambie (2015). En février 2023, l’Espagne est devenue le premier pays européen à passer le cap. En France, le débat a franchi les portes du Parlement… avant d’être refermé. Le 15 février 2024, le Sénat a rejeté un projet de loi qui visait notamment à instaurer un congé menstruel en cas de règles incapacitantes.
Faute de cadre légal, ce sont donc les entreprises qui prennent – ou non – le relais. Une poignée d’entre elles choisissent de s’engager en offrant un jour de congé supplémentaire par mois, sans justificatif médical, pour les femmes qui en ressentent le besoin.
Face à ces constats, la fonction RH a un rôle clé à jouer pour accompagner et soutenir les femmes dans leur quotidien professionnel. La rédaction de Parlons RH vous livre plusieurs pistes d’actions concrètes et réalisables dès à présent.
1. Former, sensibiliser, libérer la parole
Sans doute l’étape la plus évidente… et la plus importante. Cela passe par la formation des managers – pour les aider à accompagner au mieux leurs collaboratrices féminines – mais aussi, et surtout, par une communication interne ouverte et sans tabou. Comment ? En organisant, par exemple, des conférences avec des spécialistes de l’endométriose, de la santé menstruelle ou de la parentalité. Il est également possible de mettre en place des ateliers collaboratifs, où les salariées peuvent partager leurs expériences et faire remonter des besoins concrets.
Autre idée, un brin plus innovante : le serious game d’EndoFrance, gratuit et immersif, permet à chacun d’incarner une femme souffrant d’endométriose et de comprendre ainsi les répercussions de cette maladie sur la vie quotidienne et professionnelle des femmes. Une manière ludique et impactante de sensibiliser tous les collaborateurs.
2. Protéger la confidentialité et désigner des référents de confiance
Garantir la confidentialité et le respect de la vie privée des femmes au sein de l’organisation est essentiel dans l’instauration d’un climat de confiance. L’entreprise peut désigner une ou deux personnes volontaires comme référentes de la santé des femmes, pour encourager ces dernières à se confier. Il peut s’agir d’un membre du service RH, d’un manager formé sur la question, d’un représentant du personnel, voire d’un référent externe tel que le médecin du travail. Le rôle de ces référents sera de recueillir la parole des collaboratrices, de les écouter et de faire remonter leurs besoins d’aménagements, sans être exposées.
3. Aménager l’environnement et les conditions de travail
Une autre solution, très concrète, consiste à offrir davantage de souplesse dans le quotidien des femmes souffrant de règles douloureuses ou d’endométriose. Plusieurs options :
4. Se renseigner et informer les femmes sur les dispositifs existants
Bien qu’encore méconnus, il existe plusieurs dispositifs et leviers juridiques à activer pour faciliter le quotidien des femmes au travail. Par exemple, une femme atteinte d’endométriose sévère peut demander une RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), ce qui facilite l’obtention d’aménagements de l’environnement et du temps de travail. De même, après une IVG ou une fausse couche, certaines peuvent bénéficier d’un mi-temps thérapeutique. Des reconnaissances concrètes qui permettent aux femmes de vivre leur quotidien professionnel plus sereinement.
Briser le tabou autour de la santé menstruelle, c’est répondre à un vrai enjeu de société, mais aussi à un besoin stratégique pour les entreprises. Car les bénéfices sont bien réels : en libérant la parole, en mettant en place des aménagements concrets et en formant les équipes, les organisations agissent sur l’attractivité, la fidélisation et l’engagement de leurs talents. Des femmes, certes, mais pas seulement. Ces sujets comptent particulièrement pour la génération Z, attentive au bien-être au travail, à l’équité et aux valeurs affichées. Mais ils concernent aussi les hommes, de plus en plus nombreux à se sentir impliqués, que ce soit en tant que collègues, conjoints, frères ou parents. Parce que la santé menstruelle, ce n’est pas qu’une affaire de femmes : c’est une question de conditions de travail, de reconnaissance et de respect.
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