Sa joie de vivre irradie comme une aura éclatante. Lucie Carrasco est une guerrière aux multiples facettes. Atteinte depuis l’enfance d’une amyotrophie spinale l’obligeant à se déplacer en fauteuil roulant, la styliste devenue animatrice, chroniqueuse, influenceuse, voyageuse et conférencière se bat pour que l’inclusion de toutes et tous passe du statut d’idée abstraite à celui de réalité concrète. Un moment suspendu où positivité et spontanéité riment avec grâce et ténacité.
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Chacun de nous a le devoir de se poser cette question avant de l’adresser à quiconque ! Quel métier me motive ? Lorsque ce choix est économique, quels objectifs me permet-il de servir ? Avoir envie est une responsabilité qui nous incombe en premier lieu.
Le manager a, ensuite, un rôle crucial à jouer, c’est certain. Il doit aimer ce qu’il fait et le montrer pour embarquer ses équipes. Qu’y a-t-il de plus galvanisant pour un collaborateur que de percevoir l’amour de son supérieur pour son métier ? Lorsque je pars au bout du monde avec Jérémy Michalak, mon acolyte et producteur de ma série documentaire diffusée sur France Télévisions, son amour pour ce qu’il entreprend me porte et fait de nos journées, souvent éreintantes, parfois contraignantes, une source intarissable de plaisir et d’épanouissement.
Est inclusive une structure dans laquelle un collaborateur différent (ou plutôt « spécial », je préfère cette terminologie), est à la bonne place. L’entreprise qui embauche une personne handicapée pour éviter une amende, ou lui attribue un poste sous-dimensionné ne l’est évidemment pas.
Pour y prétendre, une organisation doit percevoir le potentiel d’un candidat avant sa différence. Elle doit être capable d’associer chaque profil à des compétences, en écartant tout préjugé. Ce mode de pensée est parfaitement naturel aux États-Unis. Je l’ai mesuré lors d’un entretien d’embauche passé là-bas il y a quelques années. Le dirigeant d’une très grande marque de mode ne m’avait perçue qu’au travers de mon potentiel, qu’il avait jugé « énorme » à l’époque. Mon handicap n’a jamais été un sujet. En France, lorsque j’évoquais ma carrière de styliste, les gens s’étonnaient que cette activité puisse être ma profession et la voyaient souvent comme une simple occupation. Une différence ne définit pas un individu, d’autant plus dans le monde du travail où les compétences de chacun doivent servir la performance globale d’un projet, d’une organisation, d’un collectif.
C’est une certitude. Mon expérience américaine a été déterminante pour moi à cet égard. Depuis, je me présente toujours en tant que potentiel, en mettant en avant mes projets, mon savoir-faire, mon parcours. Cela m’a donné confiance et m’a fait prendre conscience que nous, handicapés, devions arrêter de nous excuser. Cela s’applique à toute forme de différence. L’entreprise deviendra vraiment inclusive si chacun prend ses responsabilités. Nous ne pouvons pas tout attendre de l’autre. La construction d’une société d’inclusion est un combat commun.
Grâce à l’école, incontestablement. Le jour où tous les élèves, porteurs de handicaps ou non, fréquenteront les mêmes établissements, nous aurons fait un pas de géant. C’est l’un des objectifs de la mission gouvernementale pour une école plus inclusive qui m’a été confiée par Emmanuel Macron.
Y parvenir ne signifie en aucun cas tout sur-adapter ou tout aseptiser. Au contraire. Hormis pour les enfants atteints de troubles mentaux, cognitifs ou d’apprentissage, prévoir systématiquement un AESH1 n’est pas nécessaire par exemple. Les élèves souffrant de déficience motrice peuvent se débrouiller sans. Demandez à un enfant ce qui est le plus gênant pour lui à l’école ; je suis prête à parier qu’il vous répondra « être accompagné par un adulte toute la journée ». Cette présence peut ériger une barrière et créer une forme d’isolement. Épargnons-leur lorsque cela n’est pas indispensable ou utilisons cet adulte pour épauler l’enseignant auprès de l’ensemble de la classe. Ce ne serait pas du luxe !
Je milite également pour que tous les élèves, sans exception, se retrouvent à la cantine, dans la cour de récréation et les bus scolaires, car c’est là que les amitiés se nouent. Ces moments de partage concourent à la construction de chaque individu. Ils permettent aux enfants de se familiariser avec le handicap et de constater, naturellement, qu’un camarade différent peut être un ami, et doit être traité comme n’importe quel autre. Inutile donc de dépenser des milliards en travaux ou d’entreprendre des changements colossaux pour bâtir une école et avec le temps une société, inclusives. Sensibiliser dès le plus jeune âge et dédramatiser le handicap à l’école suffiraient pour que dans dix ou vingt ans, cela ne soit plus un sujet dans la société, et, par ricochet, dans l’entreprise.
Absolument, et les médias sont les principaux artisans de ce changement. Grâce à eux, la représentation de la différence évolue enfin. Le handicap, par exemple, n’est plus uniquement vu à travers le prisme du Téléthon, souvent triste et larmoyant. Artus et le succès de son film Un p’tit truc en plus, Théo Curin, nageur handisport, comédien et animateur télé, ou les journalistes porteurs de trouble autistique de l’émission Les rencontres du Papotin sont les témoins de ce que sont les personnes handicapées dans la vraie vie : funs, positives, sympas, compétentes, capables de soulever des montagnes pour vivre leurs rêves.
Les gens le comprennent et se projettent plus facilement aujourd’hui dans une relation normale avec une personne en situation de handicap. En bons Français, n’allons pas trop vite, toutefois ! Le chemin à parcourir reste encore long. En témoigne la loi de 2005 sur l’accessibilité qui commence à peine à être appliquée… vingt ans après sa promulgation, donc.
J’en suis convaincue. Tout est une question de choix, selon moi. Le mien était de voyager. J’ai défié les avis d’un nombre incalculable de gens affirmant que cela me serait impossible. J’ai mangé des pâtes pendant des mois, j’ai vécu des années dans un appartement insalubre pour économiser. Mes priorités étaient claires. Je les ai choisies. Je les ai suivies. C’est ce qui m’a permis d’y arriver. Réaliser ses rêves est la meilleure thérapie du monde. Chaque réussite diffuse un shot de confiance en soi. Chaque rêve réalisé a contribué à construire la personne que je suis aujourd’hui. Et tant que je continue à rêver, je continue à évoluer… et à gagner.
La peur, parce qu’elle nous paralyse. C’est un sentiment que je connais par cœur. Peur de mourir, enfant, à maintes reprises. Peur de ne pas sortir de l’hôpital. Peur de ne pas avoir de vie. Peur de ne pas pouvoir, un jour, avoir un petit ami… Aujourd’hui, je suis mariée. La peur, j’ai choisi de la dompter et de ne pas lui laisser l’occasion de me gâcher la vie ou de dicter mes choix. Nous devrions tous identifier nos peurs et comprendre pourquoi elles existent. Car savoir pourquoi, c’est être en mesure d’agir contre elles et de devenir libre.
Le manque de second degré est aussi une pathologie très sérieuse (et on ne peut plus répandue, reconnaissons-le). Fort heureusement, du second degré, j’en ai à revendre, probablement grâce à mon papa qui mettait un point d’honneur à me faire rire lorsqu’il venait me voir, petite, à l’hôpital. C’est ce qui nous a permis de traverser cette épreuve. Je ne peux qu’encourager les dirigeants d’entreprise à organiser des ateliers où le seul objectif est de se marrer. Le rire est universel. Il maintient en bonne santé et crée un lien insoupçonné et durable. Ne commettons pas l’erreur de nous en priver, au travail comme ailleurs !
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Crédit photo : France Télévisions
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