Chaque année, la Journée internationale des droits des femmes est l’occasion de mettre en lumière les inégalités persistantes. Et s’il y a bien un sujet qui peine à évoluer, c’est celui de la parentalité en entreprise. Charge mentale, discriminations à l’embauche, plafonds de verre renforcés… Autant d’obstacles qui expliquent pourquoi 63 % des femmes considèrent la maternité comme un handicap professionnel1. Pourtant, la parentalité développe des compétences précieuses et peut même devenir un atout en entreprise. Alors, comment déconstruire ces biais et créer un environnement de travail plus inclusif ? Décryptage.
Sommaire
De nombreuses études, réalisées ces dernières années, le prouvent. La maternité, aussi belle et épanouissante soit elle, peut vite se transformer en cadeau empoisonné sitôt les portes de l’open space passées. En 2018 déjà, une enquête du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, nous apprenait que 84 % des femmes estiment que la maternité a eu un impact négatif sur leur carrière. Un chiffre effarant, qui alerte sur le potentiel mal-être de celles qui jonglent entre deux jobs à temps plein : salariée dévouée le jour, super-maman le reste du temps.
Plus récemment, en novembre 2024, une étude d’envergure, menée par l’association anglaise The Female Lead, dressait un état des lieux, à l’échelle mondiale, du retour au travail des femmes après un congé maternité, à travers des chiffres tout aussi poignants. En voici quelques-uns :
La maternité pourrait même agrandir un peu plus l’écart de rémunération entre hommes et femmes, que la rédaction de Parlons RH évoquait déjà dans son dernier article d’actualité sur l’index d’égalité professionnelle. En effet, une étude de l’Insee a démontré que la naissance d’un enfant entraînait une baisse de salaire pour les mères, tandis que les pères voyaient leur rémunération rester stable, voire progresser.
Au-delà des chiffres, les stéréotypes liés à la parentalité pèsent lourdement sur la carrière des femmes. Nombre d’entre elles sont perçues comme « moins disponibles » ou « moins engagées » après avoir donné la vie, un préjugé qui justifie souvent leur mise à l’écart des promotions ou des projets à responsabilités. Et ce biais ne concerne pas uniquement les mères : les femmes sans enfant subissent aussi une forme de discrimination, car on suppose qu’elles seront bientôt enceintes et donc moins « fiables », disponibles ou engagées sur le long terme.
La maternité est ainsi souvent plus « sanctionnée » que la paternité. Les collaboratrices ayant des enfants rencontrent davantage de difficultés que leurs homologues masculins, et cela, même en dehors de la sphère professionnelle. La charge mentale, subie majoritairement par les femmes, en est la preuve. Tout comme l’attribution écrasante des temps partiels (permettant de mieux concilier travail et parentalité) aux femmes, puisque ceux-ci ne concernent que 10% des hommes, selon l’Observatoire des inégalités professionnelles. Autre data édifiante : à l’échelle mondiale, les femmes réalisent plus de 75 % du travail domestique. En France, elles consacrent en moyenne 1h26 de plus par jour aux tâches ménagères que les hommes. Une « double journée » qui freine, à leurs dépens, leurs opportunités professionnelles.
À rebours des idées reçues, la parentalité forge pourtant de nombreuses compétences essentielles en entreprise. Parce qu’être parent, c’est apprendre tous les jours. Parce qu’être mère, c’est jongler en permanence entre l’urgent, l’important et l’accessoire, optimiser chaque minute et devenir une experte en gestion du temps et des priorités. C’est aussi apprendre à s’adapter, pour être capable de passer d’un sujet à un autre en une fraction de seconde.
Être maman, c’est aussi gérer des crises en temps réel et savoir garder son calme sous pression – pas si simple de calmer un enfant en pleurs au beau milieu d’un rayon Ikea un samedi après-midi. C’est faire preuve d’une patience infinie, de diplomatie et d’abnégation. Sans oublier l’endurance : courir du matin au soir, du lundi au dimanche, en répondant à une myriade de demandes tout en maintenant le cap, ça forge une résistance au stress hors du commun. Devenir mère renforce également la capacité d’écoute, la bienveillance, la créativité et pousse à développer une résilience hors pair – faire comprendre à un enfant de trois ans pourquoi il doit mettre ses chaussures, est parfois bien plus difficile qu’il n’y paraît. Autant de soft skills de plus en plus recherchées par les employeurs.
La plupart des compétences acquises dans la sphère familiale ont des bénéfices sur l’activité professionnelle des parents. Pourtant, cette « école de la vie » n’est pas réellement valorisée en entreprise. C’est pourquoi, les parents – les mères surtout – peuvent se sentir sous-estimées et non valorisées à leur retour au bureau. Heureusement, des solutions existent pour faire bouger les lignes.
Parce que l’égalité, la vraie, n’est pas qu’une question de rémunération, il est grand temps que les entreprises se saisissent du sujet de la parentalité, afin d’offrir aux femmes les mêmes chances d’évolution que les hommes. The Female Lead a demandé directement aux femmes – et plus particulièrement aux mères – quelles seraient les actions concrètes à déployer pour y parvenir. Verdict :
À noter que 70 % des mères qui se sentent accompagnées au retour de leur congé maternité éprouvent une plus grande fidélité envers leur entreprise, et celles qui bénéficient d’un réel soutien se disent 20 % plus engagées et 30 % plus confiantes.
Prêts ? Voici quelques pistes d’actions à déployer dès maintenant.
1. Mettre en place une politique RH équitable autour de la parentalité
La France a fait un premier pas en allongeant le congé paternité, mais les entreprises ont aussi une carte à jouer. Une solution pourrait être de le rendre obligatoire et mieux rémunéré afin de rééquilibrer la charge familiale. D’autres mesures, comme l’accompagnement dans la recherche et/ou le financement de solutions de garde, peuvent être envisagées pour faciliter la vie des parents. Des initiatives telles que Les Petits Chaperons Rouges proposent des solutions à destination des entreprises : partenariat avec les crèches à proximité, crèches interentreprises, etc.
2. Organiser un « ré-onboarding » pour les femmes après leur congé maternité
Quand on s’absente pendant plusieurs mois, retrouver le chemin du bureau, les habitudes de travail, voire la vie en collectivité, peut s’avérer stressant. Sentiment de flottement, perte de repères, impression d’être de trop… Pour fluidifier la reprise des jeunes mamans, l’entreprise peut mettre en place un processus de « ré-onboarding ». Cela passe par un entretien individuel avec les RH et le manager dès le premier jour pour faire le point sur les évolutions de l’entreprise, les changements d’équipe ou les nouveaux projets. Des documents récapitulatifs peuvent également être fournis pour permettre à la collaboratrice de se remettre à niveau rapidement et efficacement. Se sentir attendue, bien accueillie, enlève une bonne dose de stress et démultiplie l’engagement.
3. Aménager l’organisation et l’environnement de travail
Les femmes sont formelles : elles attendent davantage de flexibilité, à leur retour de congé maternité, pour pouvoir jongler entre leurs obligations professionnelles et personnelles. Télétravail, horaires aménagés, temps partiel choisi ou travail hybride sont autant d’options qui facilitent la vie des jeunes mamans, sans qu’elles n’aient à culpabiliser. Mais pour que l’égalité soit totale : cette flexibilité doit aussi être proposée aux pères !
Au niveau de l’environnement de travail, il est essentiel que les jeunes mères puissent accéder à un endroit privé et intime afin de pouvoir tirer leur lait si elles en ont besoin. Si les entreprises le peuvent, pourquoi ne pas mettre en place des crèches internes ?
4. Offrir un soutien émotionnel aux jeunes parents
Reprendre le travail après un congé maternité ou parental est un moment clé, souvent synonyme de stress, de fatigue et de doutes. Et pourtant, plus de la moitié des femmes déclarent être insatisfaites ou neutres quant au soutien reçu de leur employeur après leur congé maternité. Il suffit parfois de peu : instaurer des points réguliers avec le manager, mais aussi avec le service RH, pour comprendre leurs besoins ou encore proposer un réseau de soutien entre parents. Ce qui compte vraiment, c’est que les mères se sentent soutenues, écoutées et en confiance pour reprendre leurs activités sereinement.
5. Sensibiliser… pour faire évoluer les mentalités
Enfin, il est impératif de changer les mentalités. La parentalité ne doit plus être un tabou en entreprise. Sensibiliser les collaborateurs aux biais inconscients, former les managers à mieux accompagner le retour de congé maternité et encourager une culture d’entreprise inclusive sont des actions clés. Une solution qui sort des sentiers battus, pourrait être de valoriser, au sein même de l’entreprise, des rôles modèles féminins ayant réussi à conjuguer parentalité et carrière.
Les chiffres ne mentent pas : trop de femmes se sentent mises à l’écart, sous-estimées ou freinées dans leur évolution après un congé maternité. Pourtant, elles reviennent au travail avec des compétences renforcées, une résilience à toute épreuve et une motivation intacte. Les entreprises ont donc tout intérêt à transformer leur approche, non seulement pour des raisons d’égalité, mais aussi pour attirer et fidéliser leurs talents. Le mot de la fin sera pour toutes ces femmes qui jonglent entre carrière et famille, qui gèrent l’imprévu avec brio, qui portent mille responsabilités sans jamais flancher : vous êtes des forces de la nature, des leaders silencieuses, des battantes. Il est temps que le monde du travail vous voie telles que vous êtes, indispensables et inspirantes.
Crédit photo : Shutterstock / @Evgeny Atamanenko
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