Le monde pro en 2030 : du burn-out généralisé au bonheur au travail

Parlons RH s’est rendu au Forum de printemps de la Fédération internationale de coaching (ICF), qui s’est tenu mi-mai, à Paris. Le philosophe André Comte-Sponville et l’économiste Pierre Sabatier étaient les invités d’honneur de l’événement. Devant un parterre de coaches, DRH et journalistes, ils ont tour à tour expliqué quels pourraient être « l’avenir du travail et les grandes évolutions du monde professionnel d’ici 2030 ». A quoi ressemblera-t-il dans moins de quinze ans ? Vers quel modèle l’entreprise doit-elle tendre si elle veut réussir son entrée dans cette nouvelle ère annoncée ?

 

2030, année de la mise à mort du travail ?

Si à l’échelle de l’humanité, une décennie paraît bien dérisoire, les treize années qui viennent auront bel et bien une importance capitale dans notre histoire contemporaine. « Nous savons que nous avons quitté un monde il y a sept/huit ans et que (celui) qui vient ne lui ressemblera pas », a déclaré l’entrepreneur et économiste Pierre Sabatier, introduisant ainsi son analyse sur les tendances du monde professionnel d’ici 2030, lors du Forum de printemps organisé par la Fédération internationale de coaching (ICF), au mois de mai à Paris.

Alors, à quoi devons-nous nous attendre ? La fin du salariat au profit du travail indépendant ? Une accélération de l’automatisation, dont découlerait la mise à mort du travail ? Comme le souligne l’intervenant, ces questions ne sont pas nouvelles et resurgissent régulièrement, à des moments clés de notre histoire. La fin du 19e siècle, avec le passage d’une société agricole et artisanale à une société industrielle, fut l’une de ces périodes de transformation majeure. Nous sommes en train d’en vivre une autre.
 

 

L’automatisation, un ennemi qui vous veut du bien

André Comte-Sponville abonde. Le philosophe humaniste, également invité d’honneur de la conférence, insiste sur le caractère express de cette métamorphose des sociétés : « Tout change de plus en plus vite. » Pour preuve, « la moitié des lycéens d’aujourd’hui feront un métier qui n’existe pas encore ». « La bonne nouvelle, explique-t-il, c’est qu’on travaille de moins en moins. […] Passer de 72 h à 40 h [de travail hebdomadaire entre 1892 et aujourd’hui], c’est l’un des plus fantastiques progrès sociaux de toute l’histoire de l’humanité. »

Le revers de la médaille : « La révolution technologique, le digital, la robotisation détruisent des emplois. » « Les métiers les moins qualifiés, qui sont souvent […] de service […] et les métiers les plus qualifiés résistent […]. Dans l’entre-deux, il y a du souci à se faire. » Pas si sûr d’après Pierre Sabatier, qui défend la thèse selon laquelle de nouveaux emplois vont se substituer. Les innovations de rupture, comme ont pu l’être la machine à vapeur ou l’électricité, vont créer des besoins de service inédits. L’arrivée d’Internet il y a une vingtaine d’années l’a d’ailleurs prouvé.

Et de rappeler que les pays les plus automatisés au monde affichent de faibles taux de chômage, à l’image du Japon (3,1 % en 2016) et de l’Allemagne (5,8 % en mars 2017).

 

Anticiper la conduite du changement

Donc pas de panique, le travail existera toujours en 2030. Cependant, des bouleversements majeurs sont à prévoir au sein des organisations des entreprises. Et pour cause, ces cinq dernières années, sur fond de crise, de grandes structures ont mis en place des stratégies telles que le nettoyage des comptes de résultats, les licenciements, les fermetures d’usines, la pression démesurée sur des dirigeants, etc. Si ce modèle a fonctionné, c’est parce que face aux difficultés, les collaborateurs ont accepté de faire le dos rond. « Sauf qu’une crise qui dure, ce n’est plus une crise : c’est une mutation », insiste Pierre Sabatier. Et de mettre en garde : « On est à la veille d’un burn-out généralisé de la part des salariés dirigeants […]. Les entreprises qui continuent d’utiliser ce modèle vont droit dans le mur, à court et moyen termes, même avant 2030. »

 

Quel management en 2030 ?

Comment inverser la tendance ? « On parle d’entreprises verticales qui doivent devenir horizontales : on en parle beaucoup, mais on en fait peu. » Il est urgent pour les boîtes traditionnelles de « réinvestir dans la construction de [leur] logiciel, dans le capital humain associé, dans les conditions nécessaires pour valoriser ce capital humain », analyse Pierre Sabatier. Et d’ajouter : « L’investissement est un sujet qui a disparu depuis cinq ou six ans chez de nombreux chefs d’entreprise. Investir, c’est prendre conscience que […] si on n’a pas cette capacité de projection, c’est la mort. »

Repenser les politiques managériales paraît une évidence. André Comte-Sponville rappelle que « les leçons de morale pour motiver ses collaborateurs ne peuvent tenir lieu de management ». Aussi, qu’est-ce qui fait courir les travailleurs ? Le salaire, hors rémunération globale ? La vérité serait ailleurs. « Un entrepreneur m’a dit un jour : « Ma valeur ajoutée de manager n’est pas dans le salaire, celui-ci est fixé par le marché du travail, mais bien dans les autres raisons que mes salariés ont de venir travailler chez moi et surtout d’y rester. J’ai beau tourner le problème dans tous les sens : s’ils viennent […] et s’ils restent, c’est parce qu’ils y trouvent un certain plaisir, un certain bonheur. » », raconte le philosophe. Le bonheur serait donc le but recherché par tous les travailleurs ! Et si « la pierre de touche du management réussi » n’était autre que le bonheur au travail ?

 

Crédit photo : Shutterstock / Vectorfusionart

 

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Journaliste, Aurélya multiplie les expériences au sein de startups et pure players, avant de s’orienter vers le brand content en freelance. Après avoir traité de nombreux sujets dans les domaines du recrutement et de la formation pour le compte d’un jobboard, elle rejoint Parlons RH en tant que rédactrice RH. Diplômée d’une Licence d’Histoire à la Sorbonne, elle est aussi titulaire d’un Certificat de qualification aux métiers du journalisme (ESJ Paris).

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