Quand un écosystème RH s’intéresse à la marque employeur : la notion de marque employeur n’est pas en soi une thématique nouvelle. Elle prend néanmoins aujourd’hui une importance croissante au sein des entreprises, du fait du besoin accru d’attirer et de retenir les talents. Le Lab RH, écosystème collaboratif de l’innovation RH, a sollicité ses startups pour connaître leur point de vue, comprendre leur impact sur ce sujet, et recueillir leur analyse et leurs recommandations.
Sommaire
De quoi parle-t-on exactement ?
Pour les startups interrogées, derrière le concept de marque employeur se trouvent deux notions : d’une part l’image véhiculée par une entreprise donnée (en interne et en externe), d’autre part toutes les actions engagées par cette dernière et perçues par l’ensemble de ses parties prenantes (candidats, collaborateurs, ex-collaborateurs, clients, partenaires, fournisseurs, grand public) qui lui permettent d’incarner sa raison d’être et de se différencier afin de développer son attractivité, sa fidélisation et sa réputation. Comme l’indique Coding Days, la marque employeur « c’est l’image « perçue » par les collaborateurs, ex-collaborateurs et futurs collaborateurs et dont la qualité permet d’attirer, fidéliser et engager les salariés. Ce n’est pas seulement l’image « créée » par l’organisation via des techniques de marketing, c’est l’ensemble des actions de l’organisation perçues par l’ensemble des parties prenantes d’une entreprise (clients, sous-traitants, collaborateurs) sur ses missions, valeurs, activités, comportements d’affaires, etc. ».
Cette notion de marque employeur évoque ainsi le concept d’identité narrative développé par le philosophe Paul Ricœur : « l’identité narrative n’est pas une identité stable et sans faille ». La similarité entre l’identité d’une organisation et l’identité narrative, offre un éclairage nouveau au concept de marque employeur. En effet cette dernière serait le récit identitaire de l’entreprise, la somme de tous les récits de chaque partie prenante, « un tissu d’histoires racontées » pour reprendre le terme de Paul Ricœur.[1]
Quand le fond rejoint la forme
La plupart des startups interrogées sont d’accord pour définir le périmètre de la marque employeur à la frontière des trois sphères suivantes : expérience candidat, expérience collaborateur et expérience « alumni ». Certaines y ajoutent plusieurs dimensions telles que l’expérience managériale, l’expérience des parties prenantes (clients et fournisseurs) ou encore « l’impact de l’entreprise sur l’emploi », comme le note CollectivZ. Si toutes ne retiennent pas le même nombre de sphères, plusieurs startups s’entendent sur le fait que ce périmètre devient de plus en plus large : « Aujourd’hui tout impacte directement la marque employeur : la marque business et l’intégration des sujets RSE dans la façon de conduire sa stratégie, les méthodes de travail, les outils internes, les modes de management, le bien-être au travail… tout contribue à enrichir ou dégrader l’image d’une entreprise », note Coding Days. Quoi qu’il en soit « La marque employeur est un élément de stratégie différenciant qui permet de diffuser ses valeurs/convictions au-delà de son périmètre pour inspirer d’autres organisations », ajoute Oyena Consulting.
Selon les startups interrogées, les candidats semblent être particulièrement sensibles à :
Selon les startups interrogées, les collaborateurs apprécient en priorité :
La « checklist » d’indicateurs d’une marque employeur réussie « made in Le Lab RH »
Comme le synthétise Teelt, pour les startups une manière très simple de vérifier une marque employeur réussie consiste à regarder les entreprises « qui croulent sous les CV » et qui voient une augmentation de la quantité et de la qualité des candidatures spontanées, si l’on part du postulat que la candidature spontanée s’effectue après une prise minimale d’informations sur l’organisation visée (et non par un candidat qui diffuse son CV partout).
D’autres retiennent divers indicateurs tels que :
Data is the new oil
Les startups sondées estiment que le suivi et l’amélioration de la marque employeur nécessitent un recours accru à l’analyse des informations et des données disponibles dans l’entreprise.
À cet égard, les données internes les plus utilisées aujourd’hui sont :
On y retrouve les 4 indicateurs les plus utilisés par les entreprises au niveau mondial [3] :
Les données externes sont également très diverses : la réputation de l’entreprise (notation sur Glassdoor, label Great Place To Work), la réactivité sur les réseaux sociaux et l’e-réputation, les articles de presse, ainsi que « les relations avec les écoles (forum carrière, événements, nombre de candidatures pour les stages, etc.) », ajoute xLearn. Il convient de souligner que ces différentes sources n’ont pas forcément la même pondération.
Cependant, malgré le vaste nombre d’indicateurs à disposition des entreprises, les startups sont majoritairement d’accord pour constater que l’exploitation des données demeure insuffisante, empirique, vague et souvent peu coordonnée. Si ce diagnostic peut sembler sévère, il est à noter qu’une majorité des startups déclare ne pas avoir directement accès à ces données. Celles qui y ont accès les utilisent principalement pour établir les champs prioritaires à investiguer chez le client et pour mesurer leur impact, c’est-à-dire « suivre l’évolution des données avant/après la mise en place de notre solution », note Enboarder. S’il est vrai que la majorité des grands groupes ne partagent pas leurs données avec les startups, certaines grandes entreprises centralisent, synthétisent et diffusent ces données en interne, permettant au management d’identifier les axes d’amélioration, de créer des plans d’action à court et moyen terme et de définir et allouer les budgets nécessaires.
Toutefois, si ce manque de « culture » de la donnée peut paraître un sacré frein, il est à noter que l’Europe détient un facteur différenciant de par l’usage encadré de la Data qu’elle a décidé d’adopter. La loi RGPD offre un nouveau terreau unique et précieux pour le développement d’une culture de la data fondée sur un usage responsable et éthique. Cela permet de garantir sans commune mesure un rapport de confiance entre les candidats-collaborateurs et les organisations. C’est un cadre fertile qui permet de recueillir des données de meilleure qualité car si les candidats et collaborateurs ont confiance en l’exploitation que va réaliser l’organisation de leurs données, ils seront plus enclins à transmettre des informations « authentiques ». Voilà ce que pourrait pallier le retard de la France sur la marque employeur, tel qu’il a été constaté par les startups interrogées, « les français ont mis 15 ans à comprendre que (la marque employeur) c’est du marketing appliqué aux RH », résume JobTeaser.
Les startups interrogées estiment intervenir sur la marque employeur de deux manières :
Docteur j’ai mal ici, je crains que ce soit ma marque employeur
De manière générale, les startups sont contactées par des entreprises clientes à titre « préventif », ou « curatif ».
Comme témoignent les startups interviewées, la marque employeur concerne tout type d’entreprise, grands groupes et PME, publiques et privées, tous secteurs d’activité confondus. Selon les startups interrogées, il n’existe pas de ‘profil type’ d’entreprise faisant appel à leurs solutions pour développer leur marque employeur, même si dans la plupart des cas ce sont les entreprises « qui ont le budget, la conscience de l’importance de leurs actions et le temps de les porter en interne qui nous contactent » précise Neojobs. Dans la plupart des cas, il n’y a pas non plus de service dédié exclusivement à la marque employeur. Celle-ci est généralement supervisée par la DRH, accompagnée ou non par le service Communication. Elle est « gérée de manière transversale en mode projet pris en main par les équipes RH », indique Myriad. Cela dit, la situation peut être différente chez les grands groupes qui « ont d’habitude une petite équipe dédiée à la marque employeur ; appelée « Communication RH » ou « Marketing RH » ou « Marque employeur », qui travaille avec les équipes RH et avec les équipes de communication/marketing. Ils sont en général 2-3 personnes, dont une est responsable marque employeur groupe », ajoute xLearn. La diversité de ces formes montre qu’il s’agit d’une notion complexe qui est saisie de différentes manières par les entreprises, selon l’angle d’attaque le plus pertinent.
Les 3 grandes tendances de la marque employeur
De tous les innombrables enseignements de cette enquête, Le Lab RH retient tout particulièrement trois points : l’importance de l’impact social des entreprises, le développement de l’expérience collaborateur ainsi que « le Re-boarding ».
Une majorité des startups s’accordent sur le fait que la sphère sociale va prendre une place de plus en plus importante. Il en découle une place plus importante donnée à l’impact social perçu par les salariés des entreprises, « Les collaborateurs et les candidats dans leur choix de l’employeur sont de plus en plus sensibles aux valeurs des entreprises et leurs politiques RSE, ils considèrent que les entreprises doivent avoir un impact positif sur la société et se comportent de manière de plus en plus responsable. Ils ont l’intention de rester plus longtemps chez les employeurs qui se mobilisent pour les enjeux sociaux et économiques », précise xLearn.
La deuxième grande tendance à venir qui a fait consensus auprès des startups interviewées concerne la symétrie entre l’attention portée aux collaborateurs et celle portée aux candidats. Il semblerait que la prise de conscience ainsi que les travaux sur l’expérience candidat se soient développés plus vite que ceux concernant l’expérience collaborateur. C’est ce trop fort décalage entre l’expérience affichée et vécue lors du process de recrutement et l’expérience post onboarding qui porte préjudice aux organisations. Il devient donc important d’accorder une attention particulière à l’expérience collaborateur.
Le « re-boarding » est la troisième tendance à fort potentiel de développement, il s’agit du « recrutement d’anciens collaborateurs et d’une communication forte autour de ces retours » (JobTeaser). A l’ère du numérique ou nous passons d’une gestion de stock des ressources à une gestion de flux des ressources, ou les carrières sont de moins en moins linéaires et de plus en plus composées d’un patchwork d’expériences, il paraît pertinent de s’intéresser au départ et surtout au retour des collaborateurs.
Outre ces trois grandes tendances observées, d’autres startups soulignent le développement de : l’employee advocacy (mobilisation des salariés d’une entreprise en tant qu’ambassadeurs qui promeuvent cette dernière dans leur vie professionnelle et personnelle (notamment sur les réseaux sociaux) et l’utilisation des « soft skills par les entreprises comme un élément de communication bénéfique à leur marque employeur » (Xtramile).
Une posologie adaptée pour améliorer et développer la marque employeur
La majorité des startups interrogées met en avant l’importance d’avoir une communication transparente ne promettant pas « la lune et les étoiles » aux futurs candidats, et ne présentant pas un « gap entre l’image véhiculée et la réalité » (microDON) et qui permet d’éviter « la rupture de vision et de communication entre l’entreprise et ses salariés » (Maximis RH). Les activités ludiques sont recommandées tout en veillant à ne pas surfer sur la vague du « faux ‘fun’, avec des escapes games et des baby-foot » qui peuvent même se révéler contre-productifs (Mobeetip). Le caractère unique et distinctif de chaque entreprise est aussi à privilégier pour ne pas se retrouver avec une « marque employeur trop proche de celle d’un concurrent », indique Bloomin. Enfin, Gandee remarque qu’une marque employeur réussie se retrouve en général chez une entreprise qui « comprend que ses ressources humaines sont son premier capital. À l’inverse d’un employeur qui considère sa main d’œuvre comme un consommable sans réaliser qu’elle est l’art dans l’œuvre ».
Pour les entreprises qui aujourd’hui s’interrogent sur leur marque employeur, le recours aux startups qui apportent des idées nouvelles (de par leur nature) permet d’aborder toutes les thématiques RH directement ou indirectement liées à la marque employeur. Les retours des startups interrogées convergent tous sur le fait que la marque employeur « n’est pas une fin en soi, elle constitue un cadre pour l’action. Les premières pierres sont à poser par la ‘Direction’ » tel que le précise CXB HUB. Il s’agit d’un vrai sujet stratégique qui ne se limite pas à un outil de communication et qui pour certaines startups comme Mobilisation Management est une « conséquence, un indicateur de la QVT perçue par les salariés ». « Pas besoin d’un baby-foot pour paraître cool, ce qui est important, c’est de porter l’attention sur les collaborateurs et leur développement et d’avoir des actions alignées avec le discours », indique Epsor. De la même manière, Movinglab précise qu’au-delà « des efforts marketing démesurés comme on en voit parfois, le succès d’une marque employeur réside dans le détail et un ensemble cohérent d’actions pragmatiques mises en œuvre pour les collaborateurs. Soyez à leur écoute : ils vous diront lesquelles font sens au quotidien ». Ces notions sont d’autant plus importantes aujourd’hui que les effets positifs et négatifs des réseaux sociaux, qui « véhiculent la vision et les valeurs (et les couacs) à la vitesse de la lumière ! » (Myriad), rendant ces derniers visibles sans le contrôle des entreprises là où toutes les parties prenantes ont leur mot à dire.
Le Lab RH est une association de loi 1901 à but non lucratif qui promeut l’innovation dans les RH sous toutes ses formes, à travers un écosystème fort de 485 membres : dont 211 startups, PME-PMI, ETI, +60 entreprises établies, ainsi que des pouvoirs publics, éditeurs SIRH, syndicats, écoles et universités, et laboratoires de recherche.
Le Lab RH tient à remercier toutes les startups interviewées : Enboarder, Artips, Bloomin, CollectivZ, Coding Days, CV Catcher, CXB HUB, Epsor, Gandee, JobTeaser, Maximis RH, microDON, Mobeetip, Mobilisation Management, Movinglab, Myriad, Neojobs, Oyena Consulting, SPARTED, Spindle, Teelt, Urban Gaming, xLearn, Xtramile et YOOPIES.
[1] Ricoeur, P. (1985) Temps et récits III, Le temps raconté, éditions du Seuil.
[2] Basé sur les réponses à la question « Quelle est la probabilité que vous recommandiez votre entreprise / ses produits / ses services à un ami ou à un collègue ?»
[3] Étude d’EBI, Employer Brand International
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