La circulation du savoir dans l’organisation figure parmi les principaux défis managériaux de l’entreprise du XXIe siècle. Au terme d’échanges conduits sur plusieurs années avec des experts et de nombreux praticiens représentant une trentaine de grandes firmes françaises, nous avons pu tracer les contours d’un nouvel écosystème prometteur de gestion et de circulation du savoir. Dans cette tribune, nous défendons l’idée que la DRH doit saisir l’opportunité de se positionner comme acteur majeur et central dans le déploiement de ce nouvel écosystème.
Sommaire
Pour saisir ce que recouvre la gestion du savoir, il convient de présenter ses deux perspectives.
On évitera ainsi de nombreuses confusions, tant chez les praticiens que chez les chercheurs. On distinguera une première perspective orientée sur la structuration du savoir, et une seconde perspective fondée sur la socialisation des pratiques.
La démarche de structuration fait référence à l’usage de savoirs formels et explicites, le plus souvent sous la forme de documents et de schémas tels des modes opératoires, des standards, des process, etc. On se réfère alors au Knowledge Management, de nature plutôt verticale. Ces contenus sont stockés et actualisés au sein de bases de données en vue de leur consultation, de leur usage et de leur enrichissement.
La seconde perspective, plus attachée à la collaboration comme forme interactive de gestion des savoirs et des pratiques, plus horizontale, s’observe à travers le déploiement des réseaux numériques d’entreprises sur lesquels se greffent des communautés de pratique. Ici, les contenus produits, partagés et enrichis, privilégient la forme d’images et de vidéos accompagnées de commentaires. Les liens sociaux l’emportent alors sur les seuls biens capitalisés.
Ce nouvel écosystème s’inscrit, comme les entreprises les plus avancées en la matière l’ont compris et le pratiquent, dans la combinaison harmonieuse et dynamique de ces deux perspectives. Celle-ci repose sur une articulation visant à mobiliser leurs atouts respectifs, réduisant utilement leurs limites.
Commençons par la perspective « structuration du savoir » et Knowledge Management, le plus souvent organisée autour de bases de données ordonnées permettant de gérer ses contenus. On constate que les acteurs de cette composante de l’entreprise, souvent des « sachants », s’ouvrent vers des pratiques collaboratives conduisant à l’enrichissement participatif des contenus. Cette ouverture se pratique le plus souvent sous forme de socialisation dans le cadre de communautés de pratique professionnelles insérées si possible dans le cadre d’un réseau social d’entreprise.
De manière complémentaire et combinée, la perspective liée à la socialisation doit être précisément capable de mieux structurer ces contenus, de manière à les rendre plus accessibles sous la forme par exemple d’un travail de curation. Ce qui permettra d’éviter qu’ils ne soient simplement « flottants », fragmentés et source d’infobésité.
Il faut naturellement souligner par ailleurs que le déploiement de ce nouvel écosystème devra nécessairement tenir compte de variables clés spécifiques aux entreprises. En particulier : le rapport au savoir, la confiance dans la collaboration, le niveau de maturité numérique, le style de management, sans oublier l’implication sincère (et non incantatoire) des dirigeants.
Trois familles d’acteurs sponsorisent, pilotent ou co-pilotent ce type d’écosystème : la DSI, la direction de la communication, la DRH. La prééminence d’une fonction s’explique le plus souvent par l’histoire, la culture de l’entreprise, le leadership et l’intérêt bien compris exercé par un de ces acteurs.
Notre sentiment, au regard de cette investigation auprès des praticiens, est que sauf exceptions notables, la DRH n’est pas suffisamment présente et active dans le déploiement de cet écosystème. La puissance technologique associée aux SI, comme l’importance accordée à la communication, constituent souvent des forces concurrentielles conséquentes, associées encore souvent à des enjeux de pouvoir. La DRH doit, pour exercer pleinement ses responsabilités et accroître sa légitimité, être en capacité de se positionner et coopérer pleinement avec les autres familles d’acteurs, à défaut d’en prendre le leadership.
Le savoir, sa production collaborative, sa circulation et son usage sont au cœur des processus d’innovation des organisations. Voilà bien un domaine capital dont le DRH doit impérativement être partie prenante dans le nouvel environnement numérique.
Jean-Pierre Bouchez, L’entreprise à l’ère du digital, éditions de Boeck, 2016
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