Charte d’Engagement LGBT : un enjeu QVT et business ?

Quatre ans après le lancement de la Charte d’Engagement LGBT, qu’en est-il dans la soixantaine d’organisations l’ayant adoptée ? L’inclusion des lesbiennes, gays, bisexuels et transexuels s’est-elle améliorée ? A-t-elle reculé ou stagné ? Pour mesurer l’impact de la Charte, l’association l’Autre cercle, qui milite contre les discriminations LGBTI (lesbienne, gay, bisexuel, trans et intersexe) a mené une étude auprès de 6 700 collaborateurs, LGBT et hétérosexuels. Si près de 9 LGBT sur 10 se sentent intégrés, un important travail reste à accomplir contre les discriminations qui s’exercent toujours dans l’enceinte des entreprises. La sensibilisation des collaborateurs à ces questions se révèle en première ligne.

 

QVT : près de 9 LGBT sur 10 se sentent intégrés dans les organisations signataires de la Charte

Aux employeurs qui se demandent si signer la Charte d’Engagement LGBT a un impact positif sur le bien-être de leurs salariés, la réponse est oui. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée par Ifop pour le compte de l’association l’Autre cercle. Dévoilé mi-décembre, le baromètre indique que 89 % des LGBT se sentent bien intégrés au sein des organisations signataires, à égalité avec l’ensemble du panel composé de LGBT et d’hétérosexuels. Le niveau d’inclusion est tel que 77 % des LGBT interrogés recommanderaient même à l’un de leur proche de venir travailler dans sa boîte.

De plus, alors qu’en moyenne, ils sont à peine un tiers à se rendre « visibles » au travail, ici, ils sont plus de 70 % à franchir le cap (75 % pour les hommes, 64 % pour les femmes). Un bémol toutefois puisque cette visibilité varie au sein même de l’entreprise : 30 % le sont face à l’ensemble de leurs collègues et 39 % auprès de certains uniquement. Seuls 16 % se disent visibles face à leurs supérieurs hiérarchiques et 9 % auprès de la DRH.

Une prudence qui se justifie d’autant que 30 % des sondés LGBT déclarent avoir constaté des discriminations à l’égard des homosexuels au sein de leur organisation :

  • des inégalités dans le déroulement de leurs carrières (29 %),
  • des moqueries (60 %),
  • et des mises à l’écart de la part de leurs collègues (31 %).

 

Charte d’Engagement LGBT : que contient-elle ?

Face à cette réalité, un nombre conséquent de LGBT, 29 %, souhaite rester totalement « invisible » au travail. Parmi eux, 73 % ont fait le choix de ne pas parler de leur vie privée au bureau pour ne pas être « démasqués ». Et 14 % laissent penser qu’ils sont hétérosexuels. Pour ne pas risquer de mettre leur vie professionnelle en danger, les LGBT sont-ils condamnés au silence ? La Charte d’Engagement LGBT a, en tout cas, pour objectif de les aider à gagner en visibilité et de leur faciliter cette transition, sans conséquence pour leur carrière.

Et pour cause, les entreprises signataires s’engagent sur quatre grands principes :

  • créer un environnement inclusif pour l’ensemble des collaborateurs LGBT,
  • veiller à une égalité de droit et de traitement entre tous les collaborateurs quelle que soit leur identité et orientation sexuelle ou genre,
  • soutenir les collaborateurs victimes de discriminations (propos et actes),
  • mesurer les avancées et partager les bonnes pratiques pour faire évoluer l’environnement professionnel en général.

Qu’ils soient LGBT ou hétérosexuels, 85 % des cadres et employés interrogés approuvent la signature de la Charte par leur organisation. A noter que 60 % étaient au courant de sa mise en place et que 18 % avaient pris connaissance du contenu avant l’enquête.

Selon les répondants, la mesure de la charte la plus utile concerne la sensibilisation du personnel – collaborateurs comme managers – aux questions LGBT. 63 % des personnes connaissant l’existence de ce document ont par ailleurs constaté que des actions concrètes avaient été mises en place au sein de leur entreprise.

Dans un communiqué, Catherine Tripon, porte-parole de l’Autre cercle souligne que « ce premier baromètre confirme l’importance d’un engagement formalisé des employeurs vis-à-vis des personnes LGBT ». Elle ajoute qu’au vu du nombre de répondants hétérosexuels (79 %), cela démontre que « les collègues sont attentifs à ce sujet ». « Cela vient s’opposer à la chape de plomb que trop de responsables continuent à laisser perdurer en s’abritant derrière une soi-disant vie privée qui ne les concerneraient pas », conclut-elle.

 

Inclusion LGBT : justice sociale et développement économique

Lancée en janvier 2013 la Charte d’Engagement LGBT compte une soixantaine de signataires, à la fois de grandes entreprises du privé (Total, Monoprix, Eau de Paris, BNP Paribas…) comme des administrations publiques (Mairie de Nantes, Eurométropole de Strasbourg, Mairie d’Avignon…). Autant dire qu’il s’agit d’une goutte d’eau dans l’océan des organisations françaises. Ces dernières auraient pourtant tout intérêt à renforcer l’inclusion des LGBT. Si elles ne le font pas pour des raisons évidentes de justice sociale, peut-être se lanceront-elles alors pour des questions financières.

En effet, plusieurs études ont démontré le lien existant entre inclusion LGBT et développement économique. Un rapport dévoilé par la Banque Mondiale en 2014 et dirigé par la professeure américaine d’économie M.V. Lee Badgett estime que les discriminations sexuelles provoqueraient des pertes de plusieurs milliards de dollars dans le monde. L’exclusion des LGBT et l’homophobie coûteraient à l’Inde jusqu’à 1,7 % de son PIB. Si les recherches se sont concentrées sur ce pays où l’homosexualité est passible de prison, l’économiste a rappelé dans une interview accordée au Wall Street Journal que « l’homophobie existe dans tous les pays du monde, même ceux qui ont une égalité formelle où, par exemple, le mariage homosexuel est légal. Cette enquête utilise donc l’Inde comme étude de cas, mais ses conclusions sur les coûts économiques pourraient s’appliquer à n’importe quel pays. »

Une raison de plus de mettre en place une politique RH LGBT-friendly. D’autant plus que ce constat vaut pour la promotion de la diversité au sens large : pour les femmes, les seniors, les personnes en situation de handicap, etc.

 

Crédit photo : Shutterstock/ Myvisuals

 

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Journaliste, Aurélya multiplie les expériences au sein de startups et pure players, avant de s’orienter vers le brand content en freelance. Après avoir traité de nombreux sujets dans les domaines du recrutement et de la formation pour le compte d’un jobboard, elle rejoint Parlons RH en tant que rédactrice RH. Diplômée d’une Licence d’Histoire à la Sorbonne, elle est aussi titulaire d’un Certificat de qualification aux métiers du journalisme (ESJ Paris).

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