Longtemps cantonnée aux discours et aux bonnes intentions, l’égalité des chances a (enfin) trouvé son grand rassemblement. Les 15, 16 et 17 mai dernier, partout en France, le Festival UNIQUES co-édité par Diversidays et France Travail, a réuni 25 000 participants à Paris et 150 000 en région autour d’un objectif clair : faire de l’inclusion une fête populaire, accessible et utile. Prises de parole inspirantes, dispositifs concrets pour l’emploi, l’entrepreneuriat ou la reconversion, ateliers collaboratifs, performances artistiques… Avec plus de 300 personnalités et 150 associations mobilisées, le Festival UNIQUES, en partenariat avec Parlons RH, a marqué un tournant. « Cela fait des années qu’on agit sur le terrain, mais trop souvent, les initiatives en faveur de l’égalité des chances manquent de visibilité. Le Festival UNIQUES, c’est notre manière de créer un espace commun, un temps fort national pour valoriser tout ce qui existe », explique Anthony Babkine, cofondateur et délégué général de Diversidays, figure engagée pour l’inclusion dans la tech et l’entrepreneuriat. Au cœur de cette édition, quatre axes majeurs : inspiration, solutions innovantes, entrepreneuriat, emploi & formation. C’est dans ce cadre qu’a eu lieu la table ronde « Ne me parle pas d’âge… parle-moi de compétences », à laquelle participait Wassila Louisa Djellal, CEO et fondatrice de Les Infatigables, la solution qui redonne de l’élan aux carrières des plus de 50 ans. Entretien.
Soyons honnêtes : la France fait figure de mauvaise élève en Europe. Le taux d’emploi des plus de 55 ans plafonne à 56 %, contre 62 % en moyenne dans l’Union européenne. Pire encore : un tiers des demandeurs d’emploi de longue durée ont plus de 50 ans. Autrement dit, plus on vieillit, plus il devient difficile de retrouver un travail. Les seniors ont deux fois plus de mal à décrocher un poste et sont deux fois plus touchés par le chômage longue durée.
Côté entreprise, ce n’est guère plus réjouissant. Les plus de 50 ans sont encore et toujours les grands oubliés des politiques RH. D’après une étude de l’APEC en 2023, seuls 33 % des cadres seniors estiment bénéficier d’un parcours professionnel adapté à leur âge. Ce manque de considération n’est pas un fantasme, il se ressent : une personne sur deux affirme avoir déjà été discriminée, ou s’être sentie discriminée, en raison de son âge.
Le plus paradoxal, c’est qu’on vit plus longtemps, qu’on travaille plus longtemps et, pour autant, on peine à construire des carrières durables. Le sujet est là : comment garantir l’employabilité jusqu’à la retraite ? La question ne peut plus attendre.
Le premier frein, et sans doute le plus tenace, c’est le poids des stéréotypes. On projette sur les seniors une image figée : peu flexibles, chers, dépassés par la technologie, réfractaires au changement voire difficiles à manager. Ce sont des étiquettes qui ne reflètent pas la réalité. Or, elles influencent très concrètement les décisions de recrutement.
Ce biais générationnel se manifeste encore plus lorsque les recruteurs sont plus jeunes. La peur de ne pas savoir “gérer” quelqu’un de plus expérimenté, de ne pas réussir à s’imposer en tant que manager, revient souvent. Résultat : des profils pourtant compétents sont écartés, sans même avoir eu l’occasion de faire leurs preuves.
Côté entreprise, même combat. On soupçonne les seniors d’être démotivés, usés par les réorganisations successives, voire blasés. On les voit comme des candidats à l’usure, plus que comme des moteurs de performance. Pourtant, sur le terrain, on observe l’inverse : ils veulent apprendre, évoluer, continuer à construire leur carrière. Un comble, quand on pense qu’on reproche souvent aux plus jeunes, en particulier ceux de la génération Z, de manquer d’engagement ou de stabilité. En réalité, chaque génération est la cible de ses propres clichés mais rares sont ceux qui pèsent aussi lourd que ceux qui frappent les seniors.
Autre frein majeur : l’invisibilisation. L’âge reste l’angle mort des politiques inclusives. On a avancé sur le handicap, sur l’égalité femmes-hommes ou encore sur les discriminations concernant les orientations sexuelles. En revanche, l’inclusion des seniors, elle, commence à peine à émerger dans les discours et encore trop timidement dans les actes. Les conséquences directes sont nombreuses : peu de formations accessibles en fin de carrière, peu de mobilité encouragée, peu de sensibilisation auprès des managers.
Chez Les Infatigables, on travaille au plus près des collaborateurs de plus de 50 ans, et une chose est claire : la fin de carrière ne rime pas avec fin d’envie. Ce que ces collaborateurs attendent, c’est un second souffle. Pas un traitement à part, mais un espace pour se repositionner, retrouver de l’élan, du sens, de la perspective.
C’est ce qu’on propose avec nos programmes sur mesure : aider chacun à faire un pas de côté, à prendre le temps de regarder sa trajectoire, ses forces, ses envies, ses valeurs. Redonner du relief à un parcours qu’on a trop souvent laissé filer sans prendre le temps de faire pause. Certains veulent se réengager dans leur poste, d’autres aspirent à transmettre, à évoluer, à bifurquer. Tout cela est légitime.
On vient d’accompagner un groupe de managers de plus de 55 ans chez France Travail. Ils sont ressortis avec des idées claires, des projets concrets et surtout, avec le sentiment d’être reconnus. L’entreprise leur a envoyé un message fort : « on croit encore en vous ». Ça change tout.
Ce travail de redynamisation, on peut aussi le faire en amont, pour des personnes qui sentent que leur fin de carrière stagne, qu’un changement s’impose mais semble risqué. Pour eux, on a aussi développé des formats accessibles en ligne, pour se poser les bonnes questions : rester ou partir ? Me reconvertir ? Créer mon activité ? Et si oui, comment ?
Et au-delà de nos programmes, d’autres dispositifs existent. Par exemple, le programme AtoutJob, soutenu par France Travail, aide les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans à se projeter dans des métiers d’avenir. Il mêle formation et alternance, et ça fonctionne.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il existe des solutions. Ce qu’il manque encore aujourd’hui, c’est la volonté de les activer.
Ce qui bloque, souvent, c’est qu’on ne les projette plus dans le futur. On les accompagne vers la sortie, au lieu de les inclure dans les dispositifs de mobilité, de reconversion ou d’évolution, comme on le fait volontiers pour les jeunes talents.
Il est temps de créer, pour les profils expérimentés, des programmes RH aussi ambitieux que ceux qu’on réserve aux hauts potentiels de 30 ans. C’est une logique d’équité, mais aussi de performance. Pour y arriver, il y a un préalable : former les professionnels des RH, les managers, les recruteurs aux biais liés à l’âge. Ce qu’on entend encore trop souvent ? “Il est trop cher.” “Il ne changera pas.” “Il va être compliqué à manager.” Ces stéréotypes-là ont la peau dure, mais ils se déconstruisent, à condition d’en parler.
Chez Les Infatigables, on anime un atelier que nos bénéficiaires adorent : la “ligne de vie”. C’est l’occasion pour eux de poser un regard neuf sur leur parcours, de redécouvrir tout ce qu’ils ont accompli et tout ce qu’ils peuvent encore apporter. C’est là qu’on touche au cœur du sujet : les compétences. Pas seulement celles qu’on transmet avant de partir, mais celles qu’on développe, qu’on renforce, qu’on valorise, même à plus de 55 ans.
Les entreprises qui réussissent cette bascule sont celles qui combinent actions concrètes, dispositifs ciblés et vraie communication. Je me souviens d’une discussion avec une salariée de 38 ans dans un grand groupe. Elle n’était pas concernée par nos programmes, mais elle m’a dit une chose très simple : “Je suis rassurée de savoir qu’on s’occupe aussi des plus âgés. Ça me donne envie de rester.”
C’est ça, au fond, le pari : faire de l’inclusion des seniors un levier d’engagement… pour toutes les générations.
Je n’avais jamais vécu un événement comme celui-là. Ce que je retiens, c’est un vrai élan, un mouvement qui dépasse le cadre classique des salons ou forums emploi. Sur place, on a vu des entreprises, des start-ups, des associations… toutes réunies pour rendre visibles des solutions concrètes, notamment auprès des demandeurs d’emploi. Cette diversité d’acteurs, c’est rare. Très rare.
Nous étions présents avec un stand Les Infatigables et on a aussi participé à cette fameuse table ronde. Ce qui m’a frappée, au-delà de la richesse des échanges, c’est l’état d’esprit des participants. On a discuté avec beaucoup de monde. Tous repartaient avec un sourire sincère, une énergie positive. Pas parce qu’on leur a vendu du rêve mais parce qu’ils ont vu que des solutions existent, que des dispositifs concrets sont à leur portée. Et surtout : qu’ils ne sont pas seuls. Il y avait du monde, des profils très variés, et ça, ça crée un sentiment d’appartenance, une dynamique collective.
Et puis, il y avait cette liberté de ton. Sur la table ronde, on a pu dire les choses, poser les constats, partager les freins mais aussi parler solutions. Sans filtre, sans langue de bois. Avec beaucoup d’écoute et de bienveillance.
Ce que je retiens, c’est ça : un événement vraiment utile, profondément humain, et résolument tourné vers l’action. J’espère sincèrement qu’il y aura une nouvelle édition l’an prochain, et si c’est le cas, on sera là !
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