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Contrat psychologique : un regard neuf sur le « monde d’après »

Le retour des salariés dans leur entreprise permet de renouer des liens distendus depuis 18 mois. La crise sanitaire a forcé un éloignement, apprécié pour une partie des collaborateurs, regretté par une autre. Si la relation à l’emploi des collaborateurs, au cours de cette période n’a pas été profondément changée, les DRH doivent être vigilantes aux nouveaux modes organisationnels qui en résultent.

Le contrat psychologique : une représentation individuelle de la relation à l’emploi

Deux liens nous relient à nos employeurs. Le premier, très tangible, est juridique : c’est le contrat de travail. Le second est intangible : c’est le contrat psychologique. Il est fait des représentations du collaborateur de ses obligations envers son employeur. Il traduit de nombreuses questions en lien avec ses relations à l’emploi : comment se projette-t-il dans son poste ? Quelle place accorde-t-il à la confiance nouée dans le temps ? Comment envisage-t-il l’évolution du périmètre de ses missions ? Comment voit-il le développement de ses compétences ? Quelle place accorde-t-il aux valeurs et à la culture de l’organisation ? Autant de réponses, autant de perceptions que de personnes, tant la contribution de chacun dans la vie et le développement de l’entreprise peut être différente.

Le contrat psychologique est rarement explicité. Il n’y a pas d’accord signé entre les parties. Pour autant, il représente un facteur clé, si ce n’est central, dans les relations quotidiennes dans l’entreprise. Il permet de comprendre les principes qui sous-tendent l’engagement et les contributions privilégiées de chaque salarié et son évolution à travers le temps. L’entreprise doit donc s’emparer pleinement de ce sujet, autant pour clarifier ses attentes que pour permettre aux individus de prendre conscience des éventuels décalages entre leurs croyances et la réalité.

Pour cela, la fonction RH a besoin de mettre en place des moments privilégiés, pour échanger avec un collaborateur sur la vision de son rôle et pour comprendre les nuances entre la vision de soi et son rapport au travail. Identifier les schémas individuels permettra de mettre en œuvre les bonnes pratiques managériales grâce à une vision plus juste des contributions.

  • celles qui conviennent pour les salariés qui s’inscrivent prioritairement dans les tâches qu’ils ont à faire et qui savent se réguler sous condition d’un cadre clair ;
  • celles qui favorisent une expérience dépassant largement le cadre strict de la mission, où la projection dans le temps est déterminante ainsi que l’identification aux valeurs de l’entreprise.

Attention aux nouvelles inégalités créées par le télétravail

Le contrat psychologique permet de comprendre les risques que génère le télétravail.  Le télétravail dont le vécu subjectif laisse penser qu’il offre de réels avantages sur la gestion de la distance géographique, interroge toutefois sur la distance psychologique qu’il pourrait créer et par conséquent sur la relation de confiance entre les collaborateurs et entreprises.

Ici, ma préoccupation ne porte pas sur la performance directe dans la réalisation des activités, qui est de mon point de vue, équivalente en présentiel comme en distanciel, mais sur la capacité pour une entreprise à créer de liens et d’interactions entre son personnel au-delà des activités. Pause-café, déjeuner, conversation dans le couloir non planifiée… Il se passe beaucoup de choses sur le lieu de travail. Les collaborateurs y échangent énormément sur des sujets, et surtout, sur des sujets de travail utiles pour créer des codes politiques et des conditions d’adaptation au situations. 

Le télétravail est une confrontation à l’absence : les interactions sont plus rares, les régulations aussi y compris pour dénouer les « oui-dire ». Il peut mettre en périphérie de l’entreprise les personnes qui privilégient ce mode, limitant leur contribution au cadre prescrit de leur activité. Mais il les prive surtout des informations qui rapprochent les contrats psychologiques individuels des attentes réelles des entreprises.  

L’entreprise : un lieu de vie collectif !

Si l’entreprise s’oriente trop sur le registre transactionnel dans ses interactions avec ses collaborateurs, petit à petit la confiance peut disparaître. Avec le temps, le collaborateur à distance dispose de peu d’éléments sur l’entreprise. Il ne perçoit plus, ou peu, de signaux faibles, de sorte qu’il y a quelque chose qui lui échappe dans sa relation avec son manager et ses dirigeants. Même avec l’usage d’outils digitaux très appropriés, l’intelligence collective ne crée pas de valeur nouvelle, car chaque salarié privilégie ses activités individuelles.

La mise en place d’une organisation hybride du travail va recréer des situations d’échange, de confrontation et de synchronisation. Elle équilibre les approches relationnelles et transactionnelles. Elle participe aussi à donner une vision claire et partagée des soft skills. C’est ainsi que l’on nourrit la confiance et que l’on permet la compréhension des enjeux de l’entreprise. Chaque salarié retrouve une capacité à comprendre qu’il y a des changements opérés et produit éventuellement des efforts particuliers. 

L’organisation hybride permet également de réduire les inégalités entre les salariés qui peuvent travailler de chez eux et ceux dont le poste de travail ne permet pas d’agir à distance. Avant, le sujet ne se posait pas, tout le personnel était rattaché à un bureau, à un lieu de travail. Tout simplement parce que l’entreprise a toujours été un lieu de vie collectif. C’est encore vrai aujourd’hui. Et ce sera encore vrai demain. La preuve : beaucoup de personnes sont ravies de revenir sur leur lieu de travail.

Dominique Duquesnoy est spécialiste des soft skills. Depuis plus de 20 ans, il accompagne les DRH dans la mise en place de programmes d’évaluation et de développement des savoir-être au travail. En 2018, Dominique Duquesnoy a pris la Direction Générale de PerformanSe, avec l’ambition de placer les soft skills au cœur des stratégies de l’entreprise.

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