Il en est de la fonction RH comme des autres grandes évolutions de la société, à force de prendre son temps, du recul et de la hauteur, les événements nous dépassent et sont encore moins maîtrisables. C’est le cas, pêle-mêle du réchauffement climatique, des radicalisations de tout poil, des avancées de l’IA, de la détérioration des terres par des méthodes agricoles surannées, des modifications « culturelles » des nouvelles générations, et ainsi de suite… Lorsque l’on décide de prendre les mesures qu’il faut, même si ça déplaît aux lobbies, ça fonctionne. Un seul exemple : on ne parle plus du trou dans la couche d’ozone depuis qu’un accord international interdit l’utilisation industrielle de certains gaz…
Sommaire
L’un des problèmes de la fonction RH se situe dans son positionnement quasi « culturel » lui aussi : la relation au temps n’est pas la même. Autant un directeur financier doit prendre des mesures immédiates (à la journée, à la semaine voire à l’heure lorsque l’on parle de bourse), autant le principal argument d’un DRH est qu’on ne se situe pas dans du court terme. Le climat social, le développement des compétences, l’investissement humain, c’est dans le temps qu’on le mesure.
D’autre part, une décision peut se révéler de bon sens dans l’instant et catastrophique à terme (ce qui est souvent le cas dans les opérations de M&A, dans les réorganisations…). Donc face à ce risque, on préfère souvent attendre…
Enfin, quoi qu’on en dise, l’écoute n’est pas le fort de la fonction. Comme elle est la seule à avoir un territoire totalement transverse, elle a souvent l’impression de « savoir », sans juger utile d’interroger de peur d’être confrontée à des avis partiaux. Bien entendu, je ne dis pas que TOUS les DRH sont ainsi. Bon nombre d’entre eux réagissent avec l’empathie nécessaire et ne pensent pas détenir la vérité révélée. Mais le risque existe réellement. Je peux citer des noms…
Puis, la fonction ayant eu une reconnaissance stratégique sur le tard, il en résulte qu’elle est l’une des seules du « Codir » ou du « Comex » à se croire obligée de se justifier y compris sur l’organisation de son emploi du temps au quotidien. J’ai coutume de dire que dans les années 1970, mon DG aurait trouvé incongru que je lui signale mon absence une journée pour cause de participation à un colloque (mon assistante connaissait mon agenda), alors qu’aujourd’hui un engagement de participation à un événement ne trouve aucune parade face à une « convocation » du DG… De là à dire que le DRH manifeste parfois sa « proximité managériale » par le « doigt sur la couture »…
Le sentiment d’ensemble qui résulte de cette cause « socio-culturelle » est alors de deux ordres :
Et quand bien même on conserve le leadership, on consulte indéfiniment sans jamais s’engager réellement. Là aussi, j’ai des noms…
Ces comportements, freins à l’innovation, mais surtout à coup sûr, plaçant l’entreprise dans une situation de blocage imperceptible les premiers temps, deviennent alors des boulets lorsque l’évolution n’est plus contournable. C’est également le cas des applications numériques. On va préférer attendre que le « groupe » trouve une solution globale plutôt que d’investir modestement dans une application réduite qui pourrait être amortie le temps que le « groupe » se décide et mette en œuvre. Ou encore, on va reculer la mise en application d’une nouvelle approche, par peur d’essuyer les plâtres. Le temps de se border de tous côtés correspond à une décision quasi de refus qu’il est parfois difficile à expliquer à ses collaborateurs.
Je sais, ça énerve ! Mais je dis et redis que le DRH est souvent, par nature, gêné d’avoir nécessité à quantifier. Il est entouré d’acteurs-partenaires qui ne le poussent pas dans cette direction. Entre les DS répétant que les hommes ne sont pas des machines qui ne peuvent être réduits à des chiffres et ses propres collaborateurs qui, par crainte des effets boomerang de l’analyse de la performance et par la complexité, il est vrai, de l’exercice, tiennent pratiquement le même discours, on finit par ne rien faire.
Calculer le retour sur investissement de la formation, oui, c’est certainement compliqué, mais pas impossible. C’est faire au moins aussi bien pour les hommes qu’on le fait pour les machines, c’est-à-dire considérer que cet investissement demande à être protégé et faire objet d’une bonne maintenance. C’est aussi de cette façon qu’on peut justifier les sommes engagées surtout à l’aulne d’une raréfaction des financements extérieurs…
On pourrait ainsi :
Pour revenir au premier exemple, lorsque l’on sait que moins d’un quart des entreprises évaluent à froid leurs formations, on est encore loin de la recherche, même approximative, du ROI. Encore une fois, ce n’est pas parce que c’est compliqué qu’il ne faut pas le faire.
Et je ne parle pas de cette armée de conseils « bien-pensants » qui estiment qu’il faut choisir entre la « relation humaine » et la « financiarisation », que l’une et l’autre sont incompatibles… Mais pourquoi faudrait-il choisir ? Quantifier n’est pas une fin en soi, c’est un instrument, un outil, rien de plus. Mais un outil qui reste indispensable si l’on veut opter pour des solutions qui tiennent la route pour le plus grand bénéfice des hommes.
Il est grand temps d’arrêter enfin les expériences douteuses qui entraînent les dirigeants vers des échecs annoncés et qui se retourneront contre leurs auteurs ou leurs disciples : que ce soit l’entreprise libérée — dont même les PME reviennent (cf le club EL Auvergne pourtant créateur du leader Maximo) — ou les extravagances d’une QVT en plein délire (amener son animal de compagnie sur son lieu de travail, les repas vegans obligatoires à la cantine et autres psychoniaiseries neuro-pseudo-scientifiques ou élucubrations écologiques). Lorsqu’on confond RSE et sectes, ça ne sent pas très bon et surtout au premier revers : « Ah ! C’est vous, le DRH, qui avez autorisé ce truc ? » Mais aussi ces réactions de jeunes alternants qui intègrent de petites entreprises industrielles : « Comment ça il n’y a pas de chefs d’équipes, désolé, je ne peux pas rester, c’est mon apprentissage qui est compromis. Ce n’est pas sérieux ! »
Ainsi, si je n’ai rien contre les vacances sans limites pour certaines start-ups, le rôle du DRH est de faire œuvre de pédagogie et de démontrer qu’en entreprise, tout a un prix. Rien n’est gratuit, surtout pas des congés illimités…
L’art de mettre des gourous à la porte est aussi une marque de lucidité RH. On peut faire l’économie du temps à l’expérimentation inutile.
Il devrait être possible de distinguer des risques de crédibilité, d’image, d’efficacité et de reconnaissance.
Pour reprendre le titre du billet, il n’est plus temps d’attendre… sur chacun des titres évoqués, vous femmes et hommes des RH, vous ne pouvez plus reporter aux calendes grecques les actions qui vous permettront d’être le personnage clé de votre organisation alors que tout pousse à croire que la suppression de votre fonction est inévitable.
S’il faut une morale à ce billet : agissons et maintenant ! Ne donnons plus cette impression délétère d’attente permanente, d’indécision, de manque de courage. C’est de notre avenir qu’il s’agit et à travers nous de l’avenir des femmes et des hommes dans l’entreprise. D’aucuns verront certainement dans cette liste, des injonctions. Et alors ! Le rôle d’un « billet » est de provoquer la réflexion, d’autoriser l’effet « miroir » et de se dire sans vergogne : c’est de mon ressort, et avec les préalables précités, c’est moi le patron. Lorsque le DRH de Placoplatre, Monsieur Stéphane Fayol, déclare à qui le lit, qu’il est fier d’être DRH, ses propos sur les réseaux sociaux laissent imaginer qu’il l’est, à juste titre, et qu’il est en accord avec nombre de ces « injonctions ». Ami-e-s DRH, l’heure de la reconquête est venue.
Une autre morale ? Si vous êtes d’accord, en bonne partie du moins, avec les termes de ce billet, vous avez les qualités requises pour rejoindre l’association « Reconquête RH ». Il vous est possible de signaler votre accord sur www.reconquete-rh.org. L’adhésion est gratuite et demande simplement de manifester son soutien en apportant des idées, le principe initial d’un think tank… mais d’un TT qui agit. Elle nécessite une adhésion aux valeurs par la signature de la charte de déontologie. Elle est ouverte par nature et ne fait pas de distinction entre les DRH, les RRH, les enseignants, les étudiants et les consultants, ou encore les syndicalistes, les délégués, les juristes et tous les membres de cet écosystème que sont les RESSOURCES HUMAINES. En prime, elle donne droit, toujours gratuitement au MAG RH. Important : s’il est simple d’y entrer, il est encore plus simple d’en sortir, avec la certitude de l’effacement de l’ensemble des « datas » vous concernant.
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