Marque employeur : attention à l’effet ciseaux !

La marque employeur s’est justement imposée dans nos organisations. Conscientes des changements d’usage et de l’évolution du comportement des salariés, celles-ci multiplient les effets de communication pour séduire leurs futurs collaborateurs. L’avènement des outils digitaux « RH » associé au nombre croissant de cabinets de conseils « experts » en « marque employeur » illustrent cette lame de fond.

 

Pour autant, je ne peux m’empêcher de comparer cette nouvelle mode du « RH washing » avec l’émergence du concept de Développement Durable au début des années 2000 où le « green washing » était de mise ! Souvenons-nous de cette période où les organisations se tapissaient de « vert » et se prétendaient être les plus fervents défenseurs de l’Environnement. Chacune faisait sienne des problématiques environnementales inhérentes à son activité et se targuait d’être irréprochable dans ses actes. Les années qui suivirent nous ont permis de matérialiser les nombreux effets d’annonces de l’époque et notre naïveté collective devant ces effets de communication. Vous pourriez trouver cette comparaison quelque peu osée, voire impertinente, mais nous conviendrons que le point de départ reste le même : les mentors de la communication et l’art de nous faire croire que tout va bien !

 

La recherche de sens dans le travail et l’adhésion aux valeurs d’une organisation sont les pierres fondatrices de la marque employeur. Ces éléments sont primordiaux et indispensables pour créer les dynamiques collectives d’aujourd’hui et de demain. Mais surtout, celles-ci doivent être éprises de vérité et mettre en exergue les fondamentaux de chaque organisation. Pour autant, je reste circonspect lorsque des valeurs comme la bienveillance ou l’esprit d’équipe sont affichées par certaines organisations pour capter de futurs talents ! Sérieusement, lorsque l’on dispose d’une réelle expérience de l’entreprise, et beaucoup le confirmeront, on apprend vite que la bienveillance est un terme de communicant censé faire rêver et que l’esprit d’équipe se heurte rapidement à la réalité de la hiérarchie et de l’hyper-personnification (le « je » prime sur le « nous »).

 

Les communicants doivent accompagner leur société dans la matérialisation de leurs valeurs, mais celles-ci doivent être définies avec conviction, dans une vérité partagée et une ambition réelle. Les dirigeants et le top management sont parties prenantes de cette action, mais il serait dangereux de ne pas ouvrir cette réflexion aux managers et opérationnels des organisations. La marque employeur est le miroir de sa représentation « humaine ». Nos organisations ne se résument pas au Comité de Direction, à la Direction des Ressources Humaines et à la Direction de la Communication. Chaque collaborateur doit être concerné par celle-ci ; il doit pouvoir se retrouver dans les terminologies employées et dans les valeurs intrinsèques. L’inverse aurait un impact néfaste.

 

En mettant en musique les changements organisationnels, les impacts du numérique dans nos modes de management (et pas uniquement !) et l’accélération du temps, la marque employeur devient l’un des leviers permettant de créer de la valeur ajoutée en renforçant l’avantage compétitif d’une organisation par la gestion du capital humain. Backhaus & Tikoo (2004) mettent en exergue l’attractivité de nouveaux collaborateurs et la fidélisation des salariés comme composantes majeures de celle-ci auxquelles il convient d’associer la mesure du sens du travail (Goujon Belghit et al., 2015).

 

Cette volonté de l’entreprise de maîtriser son identité permet de mettre en lumière ses fondamentaux, ses valeurs et le sens de son projet sur des horizons de temps différents. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir enfin DRH et Direction de la Communication avancer main dans la main. « Un nouvel état d’esprit fondé sur des techniques marketing adaptées aux ressources humaines pour que l’entreprise et sa fonction DRH puissent se vendre, fidéliser et se renouveler » (Panczuk et Point, 2008) – semble une définition clairvoyante de la marque employeur. Engager un partage de compétences métiers inter-direction où les Directions des Ressources Humaines engagent un processus d’ouverture et de modernité – sommes-nous dans un rêve ?

 

Attention à l’effet de ciseaux ! S’aventurer sur ce terrain sans un sens de la réalité serait dangereux. Je reviens sur la comparaison avec le « green washing » des années 2000 et suivantes. Parce que le Développement Durable devenait l’« effet de mode » à intégrer, nombre d’organisations ont engagé des sommes importantes pour se repeindre en vert sans pour autant intégrer une stratégie de fond en matière de développement durable ! Le recours à la marque employeur suit-elle les mêmes largesses et incohérences ? Espérons que non…

 

L’un des leviers pour éviter ce « RH washing » est d’intégrer l’ensemble des collaborateurs dans cette ambition collective de définir, puis promouvoir une image positive de son organisation. Il est primordial que celle-ci soit fidèle à une réalité opérationnelle. Pourquoi ?

  1. Dans une logique de recherche de « sens », consulter ses collaborateurs permet de les intégrer dans cette démarche, de les impliquer dans les valeurs de l’entreprise et de prendre le pouls de leurs attentes. L’implication et le sentiment de fierté en seront renforcés (King et Grace, 2012).
  2. Dans une logique de « risque », il serait dangereux d’engager une communication externe forte sur la marque employeur d’une entreprise sans une adhésion de son personnel – premier représentant de cette marque ! Rappelons-nous qu’auprès des 15-34 ans, 80 % des CDI sont rompus avant la première année de contrat.

 

Nos dirigeants, nos managers et nos collaborateurs sont le cœur de nos organisations. Ils les construisent, les vivent et les développent. Les intégrer dans la construction de leur marque employeur ne pourra être que bénéfique : engager un sens du collectif, renforcer le sentiment d’appartenance et être plus proche de leurs futurs talents. En y associant les communicants, cette phosphorisation permettra d’optimiser cette marque employeur et – évidemment –  de la rendre communicable !

 

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Docteur en Sciences de Gestion, Julien NOWACZYK est le fondateur et le CEO d’ onvabosser.fr. Après 10 ans d’expérience en tant que Directeur des Achats au sein d’Eiffage Construction, il engage un modèle innovant et disruptif en développant un outil de sourcing où les compétences comportementales deviennent la clé de sélection.

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