Mathilde Le Coz : “En 2024, la marque employeur doit refléter l’authenticité des actions déployées”
Figure incontournable de la scène RH actuelle, Mathilde Le Coz n’était pourtant pas destinée à l’univers des ressources humaines. En 2004, elle rejoint le groupe Mazars, leader international de l’audit, de la fiscalité et du conseil en tant qu’auditrice financière. Au fil des années, elle évolue jusqu’à être nommée, en 2021, DRH de Mazars France. Elle est également présidente du Lab RH.
Présidente du Lab RH, coprésidente de l’Observatoire de l’Infobésité et de la Collaboration Numérique et DRH de Mazars France, Mathilde Le Coz est l’une des figures emblématiques du paysage des ressources humaines français. Elle partage avec nous sa vision des tendances RH de cette année qui débute. Entre l’arrivée de l’intelligence artificielle, le contexte social et économique explosif et l’éternelle problématique d’attractivité des talents : l’année 2024, à défaut d’être de tout repos, s’annonce passionnante.
Sommaire
LA tendance RH qui fera 2024 ?
L’intelligence artificielle. Qu’on le veuille ou non, l’IA s’immisce dans les entreprises. La fonction RH doit comprendre son fonctionnement, son impact sur les métiers et déterminer comment accompagner son adoption. C’est un vrai chamboulement qui fait naître de nouvelles questions sur lesquelles la fonction RH va se pencher cette année.
Personnellement, je trouve que l’utilisation de l’IA en entreprise soulève de nombreuses questions autour de la santé mentale des collaborateurs et des enjeux environnementaux, et de la direction qu’il convient d’emprunter pour aller vers plus de sobriété numérique. Au-delà de l’IA, la véritable tendance RH 2024, c’est de réussir à jongler avec ces trois thématiques.
Celle qui va droit dans le mur ?
Plus qu’une tendance, je dirais une façon de penser. Liberté et cadre ont tendance à se confondre facilement. À force de « trop », la fonction RH perd parfois le contrôle. Trop de télétravail, trop de travail, trop d’hybride, trop de technologies. Avec trop d’IA, par exemple, on risque de foncer droit dans le mur.
Le titre de chanson qui résumera 2024 en RH ?
“La Grenade” ([NDLR] de Clara Luciani). On assiste à une explosion de technologies, de nouveautés, de champs des possibles, d’évolution. Et en même temps, c’est l’explosion de l’anxiété sociale, du stress numérique, des maladies socioprofessionnelles et des RPS. Le monde professionnel est en surchauffe. C’est ça la grenade. Des tensions naissent du contexte social et économique tendu et se répercutent au sein des entreprises. Sans compter les conséquences de l’épidémie de Covid-19, qui bouleversent toujours la sphère professionnelle. J’ai le sentiment que l’on se rapproche petit à petit du point de rupture, qui sera certainement salvateur. Je ne suis pas du tout anxieuse. Ce que nous vivons est passionnant, mais je reste inquiète des répercussions négatives que ce “trop” pourrait entraîner. Les burn-out, les entreprises qui ont du mal à joindre les deux bouts, le domaine de la tech qui se porte mal. Économiquement, c’est très compliqué. Bref, c’est explosif.
Le principal défi auquel la fonction RH sera confrontée en 2024 ?
Essayer de garder son sang-froid face à tous les enjeux RH qui se présentent : arrivée des nouvelles technologies, sujets sociaux et environnementaux, expérience collaborateur, recrutement, flexibilité, etc. Personnellement, j’estime avoir une approche des ressources humaines relativement moderne. Je commence, pourtant, à penser qu’il devient urgent de remettre du cadre. Tout part à vau-l’eau. La crise sociale impacte directement l’entreprise. Les salariés peuvent devenir anxieux. Le collectif devient alors très important, tout comme le respect des valeurs ou la courtoisie, par exemple. Tous ces sujets inhérents au vivre ensemble, au respect de la qualité de vie des collaborateurs sont à prendre en compte. Il est essentiel de revenir aux fondamentaux.
L’ingrédient secret d’une bonne marque employeur ?
L’authenticité.
Il n’y a pas de recette miracle à la marque employeur. Elle sera différente selon l’entreprise. Cependant, en 2024, la marque employeur doit refléter l’authenticité des actions déployées. L’authenticité incarne un discours de vérité : « Je ne dis que ce que je fais ».
Pour cela, il faut, d’abord, savoir être très honnête avec soi-même, connaître les points forts de son entreprise, tout comme ses failles. Une fois que l’on est conscient de cela, il est plus facile d’avoir confiance en ce que les collaborateurs vont dire de l’entreprise. La marque employeur ne fonctionne que si les salariés parlent aux candidats et que l’on fait preuve de transparence. Et pour être transparent, il faut accepter de ne rien contrôler.
Attirer les talents grâce à la marque employeur : légende urbaine ou réalité éprouvée ?
Réalité éprouvée, à condition de bien la définir. Beaucoup pensent que la marque employeur se résume à de la communication. Pour moi, elle incarne la stratégie RH, le contrat social qu’offre l’entreprise, que l’on décline, par la suite, en actions marketing afin de la faire connaître.
Avoir une marque employeur forte, c’est être connu pour son expérience collaborateur. Et bien sûr que celle-ci attire. Aujourd’hui, ce n’est pas tant un métier que l’on a envie de rejoindre, mais une organisation et des gens. La personnalité, la culture, l’ADN d’une entreprise sont des éléments forts dans le choix d’une structure par un candidat. Si une entreprise se considère comme humaine, il faut que tout ce qui tourne autour de l’humain, dans les relations sociales ou dans l’ambiance de travail, soit vécu et perçu comme tel par les collaborateurs et les candidats.
En ce sens, une marque employeur forte, pensée de façon stratégique et reflétant de véritables actions et prises de positions, est un levier d’attractivité très puissant.
L’année RH 2024 idéale en trois mots ?
Joyeuse, sereine et sociale.
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Crédit photo : Christophe Boulze