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Managers coachs ou facilitateurs : comment les DRH peuvent repérer et accompagner ces leaders inspirants

À l’ère du travail hybride post-Covid et face à une évolution des attentes des salariés, les managers sont de plus en plus incités à tendre vers une posture de « coachs » ou de « facilitateurs ». Une façon de « guider » les collaborateurs sans les diriger, bénéfique tant pour la qualité de vie au travail que pour la marque employeur et la productivité des entreprises. Mais cela requiert des soft skills et des traits de personnalité qui ne sont pas propres à tous les managers.

En démocratisant le télétravail à marche forcée, la crise de la Covid-19 a bouleversé notre culture très franco-française du présentéisme et du présentiel. Avec le travail hybride ou le « full remote », terminé le micro-management contrôlant, descendant et applicatif. Face à des salariés à gérer à distance, les managers ont vu leur posture évoluer. Ils doivent davantage leur faire confiance, leur accorder plus d’autonomie, et faire preuve de transparence et d’humilité. L’idée étant pour eux d’intégrer l’incertitude dans leur leadership.

Durant la crise sanitaire, les managers ont aussi été conduits à porter un intérêt plus fort au bien-être, au moral et à la santé (mentale et physique) de leurs collaborateurs, au-delà de leurs simples tâches. Désormais, ces sujets font partie intégrante des réunions annuelles et des entretiens individuels. Les salariés attendent aussi d’eux qu’ils agissent comme des « connecteurs », chargés de faire circuler l’information et de faciliter les échanges entres des collaborateurs qui se croisent beaucoup moins. Place, donc, au manager facilitateur, empathique et bienveillant.

Guider sans diriger pour faire grandir son équipe

Mais cette autre forme de management n’a pas attendu la crise pour émerger. Elle a été théorisée dans les années 1990, et s’est surtout développée ces 10 dernières années. Face à un contexte économique qui demande toujours plus de flexibilité et de réactivité, nombre de sociétés évoluent en effet vers un système organisationnel plus « plat », moins hiérarchique et moins pyramidal.

De nouveaux modèles, comme l’holacratie ou l’entreprise libérée, confèrent aux collaborateurs une partie bien plus importante du pouvoir de décision, ainsi qu’une autonomie plus grande ; ce qui tend à transformer les relations entre les équipes et les managers. Enfin, l’arrivée de nouvelles générations a concouru à changer les mentalités dans le monde du travail : il n’est plus question aujourd’hui d’imposer ni d’adopter un style de management directif face à des équipes de collaborateurs plus jeunes, dont les attentes sont différentes. En recherche de responsabilités et de sens, cette nouvelle génération est à la quête d’un management plus participatif et collaboratif.

Dans cette optique, de plus en plus d’entreprises demandent à leurs managers d’adopter une posture de facilitateur, ou de « coach ». En parallèle de sa casquette de gestionnaire, le chef d’équipe est incité à développer, chez ses collaborateurs, l’autonomie, l’envie d’apprendre et le sens des responsabilités. Afin de faire grandir son équipe, il rassure, écoute. Il facilite la réflexion et la co-construction, laissant chaque salarié autonome dans son process de réflexion et sa recherche de solutions. À la différence du manager traditionnel, qui est focalisé sur l’organisation, la planification, l’atteinte des objectifs et l’efficacité, le coach tend à élever l’équipe à un niveau plus haut en impulsant une dynamique de climat positif, et en impliquant chacun dans ses réflexions et ses responsabilités. Il ne dit pas ce qu’il faut faire, ni comment le faire : il guide.

Un levier d’attractivité, de rétention et de performance

Les bienfaits de cette autre forme de management sont doubles. Un leadership basé sur la confiance, la responsabilisation, l’écoute active et la reconnaissance favorise non seulement un environnement propice à une bonne qualité de vie au travail, mais renforce l’engagement et in fine, la performance de l’organisation tout entière.

L’enjeu demeure, en outre, important en matière de développement individuel des compétences : le manager coach aiguille sans diriger, facilite la recherche d’une solution à un problème, mais laisse son collaborateur le résoudre de lui-même. Enfin, il s’agit d’un levier de recrutement, ce type de management contribuant à renforcer la marque employeur de l’entreprise, auprès des nouvelles générations et des populations cadres notamment.  

Une posture qui n’est pas à la portée de tous les managers ?

Si le développement de cette posture est indispensable aujourd’hui, force est toutefois de constater qu’elle n’est pas à la portée de tous. Guider sans diriger peut apparaître comme une posture trop ambivalente et complexe pour nombre de chefs d’équipe. Tous ne sont pas outillés pour devenir des managers coachs, facilitateurs et bienveillants.

Ce type de management nécessite en effet certaines prédispositions, certains traits de personnalité ; ou tout au moins des soft skills qu’il est nécessaire de travailler en profondeur… Quand certains ne manifestent pas un intérêt suffisamment profond à l’autre, et sont davantage intéressés par les « KPIs » et les objectifs. (1)

Les DRH ont un rôle crucial pour aider (certains) managers à devenir des « coachs »…

Devenir coach / facilitateur ne va donc pas de soi, et requiert un travail important sur la connaissance de soi. Le manager doit avoir assez de recul sur lui et sur l’autre pour pouvoir accomplir cette mission clé, qui est d’aider autrui. Face à cette difficulté, les DRH ont un rôle majeur à jouer. Ils peuvent ainsi aider les chefs d’équipe à tendre vers cette posture en les accompagnant dans leur développement de compétences ; à travers des plans de formation, ainsi que des pratiques de coaching, de feedback 360, et d’assessment center (2).

Les DRH ont non seulement pour mission d’accompagner les managers dans cette évolution, mais aussi celle d’identifier les profils « alignés » avec cette posture, dès le recrutement, puis lors de chaque étape de mobilité interne. Lors du process de recrutement comme en interne, des inventaires et des tests de personnalité peuvent notamment éclairer sur les caractéristiques comportementales d’un individu.

… Mais ils doivent aussi rester réalistes

Mais attention à ne pas oublier qu’une infime partie des managers pourront devenir des « facilitateurs ». Les DRH auront ainsi tout intérêt à rester réalistes (3) : plutôt que d’essayer de transformer tous leurs chefs d’équipe, mieux vaut se recentrer sur des profils à potentiel… et former tous les autres à des « bonnes pratiques » propres au » management coach ». Mais sans chercher à les changer.

Est-il nécessaire de transformer tous les managers en facilitateurs ? Rien n’est moins sûr. Tout comme il ne semble pas réaliste de considérer que tous pourraient, de toute façon, le devenir. Mais il est possible de développer chez chacun certaines caractéristiques propres au management coach, et que les salariés attendent en fait tous de leurs chefs : la bienveillance, la confiance, la capacité à déléguer et à laisser une certaine marge d’autonomie à l’autre. Des soft skills qui participeront indirectement au bien-être des collaborateurs, à la marque employeur de l’entreprise, et in fine, à sa performance globale. Mais il n’existe pas de formule magique : face à cet enjeu humain, il appartient à l’entreprise d’agir, avec les DRH comme moteurs du développement des managers.

(1) Les traits de personnalité nécessaires pour adopter une posture de manager coach / facilitateur sont la confiance en soi et en l’autre, l’enthousiasme, l’assertivité, l’envie de réussir, ainsi qu’un intérêt marqué pour les autres. Les soft skills propres à ce modèle de management sont l’intelligence émotionnelle, l’humilité, l’agilité, la créativité, l’esprit critique, la réactivité et la capacité à résoudre des problèmes complexes rapidement. Une recette bien plus subtile que celle du gâteau de Peau d’Âne !

(2) Un « assessment center » est une méthode qui évalue les compétences d’un candidat via des outils psychométriques et des mises en situation.

(3) Les attentes des DRH sont parfois disproportionnées : pour nombre d’entre eux, les managers doivent consacrer 36 % de leur temps à incarner ce rôle auprès de leurs équipes, alors que dans les faits, ils n’y passent que 9 % de leur temps, souvent par manque de qualification. De plus, adopter cette posture n’est pas toujours préconisé sur des situations de crise, d’urgence, ou encore lorsque des environnements strictes induisent des règles strictes, dont il est nécessaire de garantir la bonne application.

Crédit photo : Shutterstock / ALPA PROD

Responsable de Compte & Psychologue du Travail pour Pearson TalentLens, Claire Aeschlimann accompagne les entreprises dans leur stratégie de recrutement et dans le déploiement d’outil de détection de potentiel. Elle intervient également en tant que formatrice RH autour d’un outil d’évaluation de la motivation au travail.

Voir les commentaires

  • Bonjour, cet article soulève des points très importants et j'en partage l'analyse sur l'évolution globale du mode de management dans les entreprises "modernes".

    Si tous les managers ne sont en effet pas prédisposés à une posture de coach, je ne crois pas non plus que tous les opérationnels recherchent une véritable autonomie ou soient capables de se remettre en permanence en question.
    Un point à considérer peut-être pour un prochain article ?

    Cordialement,
    Hervé Réby

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