L’attrait naturel du bon


Caroline Haquet, juriste et diplômée de Sciences Po, débute sa carrière dans le conseil avant de rejoindre Mazars, où elle occupe plusieurs fonctions clés, dont celle d’adjointe au DRH groupe, pendant plus de 15 ans. Après un passage de 3 ans chez WPP en tant que DRH France, elle rejoint Manutan en 2021, leader européen de la distribution B2B.
L’attractivité, la rétention et l’engagement sont la résultante d’un management épanouissant, estime Caroline Haquet, DRH de Manutan, distributeur d’équipements et de fournitures aux entreprises et collectivités. Un plaidoyer enthousiaste pour une marque employeur incarnée.
Juriste et diplômée de Sciences Po, Caroline Haquet arrive aux RH « un peu par accident ». Après un début de carrière dans le conseil, elle rejoint Mazars où elle « vit une grande histoire pendant plus de 15 ans ». Elle y crée la fonction communication interne, puis rejoint les équipes RH et finit adjointe du DRH groupe.
S’ensuit un intermède de 3 ans au sein du groupe de communication et média WPP, en tant que DRH France. En 2021, changement d’ambiance : elle rejoint Manutan, un leader européen de la distribution B2B. Une entreprise à la forte culture managériale, mais sans politique de marque employeur structurée. Un peu comme un diamant brut à tailler : un défi de rêve pour une DRH engagée. Pour Caroline Haquet, la fonction RH est « éminemment stratégique ». Elle suppose de « placer les collaborateurs au cœur de la vision de l’entreprise. Quand on travaille sur des projets à 5-10 ans, il est essentiel que les collaborateurs soient au centre de l’équation dès le début. Je suis toujours très surprise de constater que certaines entreprises n’ont pas encore intégré le DRH dans le Codir. C’est une hérésie intellectuelle ».
Sommaire
LES ATOUTS EMPLOYEUR MÉCONNUS DES ETI
Le travail de Caroline Haquet a donc consisté d’abord à « se regarder en face » pour analyser et mettre en mots les forces de Manutan en tant qu’employeur. Le résultat de cette introspection peut se lire comme un inventaire des facteurs d’attractivité de l’entreprise en général. Le premier point est contextuel, et un peu inattendu : la DRH fait volontiers l’apologie de l’ETI, « l’entreprise de taille idéale », dont les avantages sont à ses yeux insuffisamment connus des candidats, et en particulier des jeunes. « Il y a 6 200 ETI en France, employant 3,5 millions de salariés », rappelle-t-elle. « Ce sont des entreprises dans lesquelles on a les moyens de se développer, de constater l’impact de son action. » Le fait de travailler dans une ETI familiale permet ainsi aux collaborateurs de Manutan de « se projeter dans le long terme. Le leadership est connu, incarné et inspire la confiance dans la stratégie de l’entreprise ». Si toutes les organisations ne peuvent pas être des ETI, elles peuvent en revanche soigner leur lieu de travail. Celui de Manutan se veut « pensé, conçu comme un campus ». On y trouve une université, des équipements sportifs, mais aussi un restaurant d’entreprise de grande qualité, avec un véritable chef. Un choix « qui a un coût évident, mais cela fait partie de ce que nous avons envie d’offrir à nos collaborateurs ». On s’inscrit bien dans une logique, assumée, de « symétrie des attentions ».
L’ART DE DONNER DES PERSPECTIVES
Le processus de recrutement, classiquement, est décisif pour réussir à attirer et retenir les meilleurs. Plutôt que de multiplier les entretiens redondants, « chaque étape doit apporter une connaissance supplémentaire à l’entreprise comme au candidat. C’est pour cela que nous systématisons les cas pratiques : nous voulons voir les candidats en action ». Le process est complété par un onboarding qui présente l’ensemble de l’activité au nouvel arrivant, le sens de notre action et de nos engagements, notamment en matière de RSE. Avoir des perspectives d’évolution fait partie des critères importants des candidats et des collaborateurs. D’où l’importance de la politique de mobilité interne, sur laquelle Caroline Haquet insiste particulièrement. « L’année dernière, au siège social, la mobilité interne a concerné 15 % des effectifs. Et il s’agit de « vraies » mobilités, accompagnées d’une augmentation. » Souvent, aussi, vers des métiers différents. Cette mobilité est rendue possible par une caractéristique remarquable de la culture managériale du groupe : « ici, les managers ne se sentent pas propriétaires de leurs équipes. Ils développent leurs collaborateurs sans avoir la crainte de les voir partir dans un autre service. » C’est sans doute l’un des secrets de la rétention, un terme que Caroline Haquet n’aime pas beaucoup. « Il faut donner aux collaborateurs des raisons de rester. Dès qu’ils ont un peu de talent et d’expérience, ils seront inéluctablement sollicités. Ils resteront s’ils se sentent bien traités, s’ils peuvent se projeter, s’ils ont un bon manager et s’ils comprennent l’ambition de l’entreprise… Chercher à enfermer les gens ne sert à rien. »
LE MANAGEMENT, PREMIER FACTEUR D’ATTRACTIVITÉ
Le management reste la meilleure garantie de conserver ses collaborateurs. Il passe, chez Manutan, par « un bon process de suivi de la performance, avec une culture du feed-back très forte. Il faut agir très vite quand ça ne va pas ». Le système de revue de la performance, qui a fait l’objet d’une refonte récente, prend doublement en compte la dimension collective. Dans la mesure de la performance elle-même : « un collaborateur qui obtient de bons résultats mais qui ne s’inscrit pas dans le collectif ne sera pas évalué comme très performant. » Et dans le processus d’évaluation : « Nous avons tous nos biais. D’où l’importance d’échanger à l’occasion des « people mapping » pour réajuster en fonction des observations des uns ou des autres. » Enfin, « quand un salarié s’en va, nous en analysons les raisons de façon approfondie, de façon très « data-driven » ». Finalement, les collaborateurs ont d’autant plus tendance à rester dans l’entreprise qu’ils ont le sentiment qu’ils sont entendus. Une entreprise attractive n’est pas une entreprise où tout est parfait, mais une organisation dans laquelle les collaborateurs savent que « les irritants seront adressés ». C’est ce qui permet à Caroline Haquet de dire qu’elle n’a pas de politique d’engagement à proprement parler : la culture managériale de l’entreprise en tient lieu. « Je sais que je suis très chanceuse : en tant que DRH, un tel contexte fait vraiment la différence en matière d’épanouissement au travail ! ».
> Retrouvez aussi notre dossier complet, alimenté au fil des publications. Il regroupera à terme tous les articles du Cahier de tendances.
Crédit photo : Christophe Boulze