IA & data RH – Les rêves devenus réalité de l’IA et de la data RH

« Multipliant les transmissions de données, les basculements de traitements de pays à pays, de continent à continent, les satellites feront progressivement naître un réseau « télématique » mondial. »
C’est ainsi que Simon Nora et Alain Minc décrivaient l’avenir, dans un rapport rédigé en 1977… et qui conduira au lancement du Minitel en 1980. La morale de l’histoire, c’est que la technologie finit presque toujours par tenir ses promesses. Le problème, c’est qu’on ne sait jamais trop quand. On annonce depuis longtemps que le digital et l’IA vont nous permettre de lire l’avenir, d’éclairer nos décisions, de répondre à notre place à des questions difficiles. C’était déjà un peu vrai. Ça le devient de plus en plus. Nous sommes manifestement à la veille, voire au milieu, d’un saut qualitatif majeur en la matière.
1. Le directeur des données humaines ?
L’expression « People Analytics » a environ une dizaine d’années. Les promesses sous-jacentes étaient déjà à peu près les mêmes : faire parler les données RH pour y déceler des problèmes cachés ou au contraire des facteurs de réussite. À l’époque, ces nouveaux oracles numériques étaient vendus avec leur clergé de devins high tech, les data analysts. C’était lourd, cher, et réservé aux très, très grands. Depuis, les outils logiciels se sont perfectionnés, tandis que le hardware continuait à gagner en puissance. Surtout, la révolution de l’IA générative a ouvert une fenêtre sur l’univers mystérieux de la data. Là où il fallait maîtriser des interfaces et des concepts complexes pour tirer quelque chose de la masse des données RH, un professionnel RH « laïc », formé à l’IA et à l’art du prompt, pourra de plus en plus facilement interroger son SIRH en langage naturel. On passe du prototype réservé aux professionnels au véhicule de tourisme que chacun peut conduire.
2. Le DRH augmenté prend de la substance et du galon
De ce fait, le DRH voit sa position renforcée, en tant que « business partner » comme en tant que spécialiste du capital humain. Les outils de l’IA et de la data RH vont venir l’assister de plus en plus dans ses décisions, ses propositions, l’élaboration de sa stratégie RH, et l’accompagnement RH de la stratégie business. Cette floraison d’outils nouveaux arrive à point pour aider la fonction RH à relever les défis de la mutation des métiers, de la transformation des modèles de production sous l’impulsion des enjeux environnementaux, de la pénurie des talents-clés. Ces tendances ne sont pas nouvelles, mais l’accélération est indéniable. Les progrès conjoints de l’IA et de la data analytics vont ainsi crédibiliser encore davantage le DRH auprès des instances dirigeantes et des autres directions.
3. Le défi des compétences numériques RH
Les services RH et formation doivent déjà accompagner la mutation des métiers et l’obsolescence des compétences dans l’ensemble de l’organisation. Mais il leur faut aussi faire face à leur propre montée en compétences sur les enjeux data et IA. Déjà pluridisciplinaire, la fonction RH s’enrichit d’une dimension tech désormais incontournable. L’enjeu est considérable : pour arriver à faire son choix dans une offre pléthorique, pour ne pas se faire vendre des « solutions miracles » inadaptées, mais aussi et surtout pour tirer le meilleur des nouveaux outils, un investissement significatif en formation des équipes RH sera indispensable. Mais l’IA apporte une dimension inédite : c’est le premier outil que l’on peut interroger directement pour apprendre à mieux s’en servir. De plus en plus, les IA conversationnelles sont capables de nous dire avec précision ce qu’elles peuvent et ne peuvent pas faire pour nous. Elles nous apprennent aussi à nous servir des autres outils, et à tirer le meilleur des données à notre disposition. Il y a un effet « boule de neige » de l’apprentissage de l’IA, qui fait de la formation à cette technologie un investissement particulièrement rentable.
4. Déminer l’avenir
Pour autant, comme toute technologie disruptive, l’IA est porteuse d’incertitudes et de risques qui seront à détecter et à anticiper au fur et à mesure : confidentialité, sécurité des données, impacts sur l’emploi et sur l’organisation, ainsi que tous les effets secondaires que l’on ne perçoit pas encore. Et il y a, derrière ces risques précis, le vaste champ du risque éthique. Que se passera-t-il quand l’assistant RH passera le test de Turing, c’est-à-dire ne pourra plus être distingué, dans la conversation, de l’assistant humain ? Faut-il commencer à développer des systèmes de « traçabilité » de l’origine humaine ou digitale des données et des créations, pour séparer le bon grain de l’information, de l’ivraie des « deep fakes » ? Philosophes et scientifiques se soucient même de savoir si et quand une forme de conscience émergera de l’IA ; si c’est le cas, la fonction RH sera parmi les premières à devoir s’en soucier d’un point de vue éthique !
5. Une crise de croissance ?
La question de l’explosion d’une possible « bulle de l’IA » continuera à se poser dans les mois qui viennent. Elle est double : elle recouvre une dimension strictement financière (a-t-on trop investi ?), et une interrogation technologique (attendons-nous trop de l’IA ?). La seconde est celle qui compte pour les RH. Il ne faut pas oublier que la « bulle internet » de 2000 a ouvert une ère de croissance sans précédent pour le web, puis pour le mobile. Le fait que le marché connaisse un risque de crise de croissance doit inciter les RH à la vigilance et au discernement dans le choix des solutions. Mais nous faisons le pari que les promesses RH de l’IA seront tenues, et au-delà.
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Crédit photo : iStock / Anton Vierietin