Diversité et inclusion, un sujet systémique


DRH et Business Partner chez Octo Technology
Faire progresser la diversité et l’inclusion par la sensibilisation et les bons process : c’est la méthode de Nathalie Avramesco, DRH et Business Partner au sein du cabinet de conseil orienté « tech » Octo Technology.
Elle revendique « un parcours principalement RH », après une première expérience à la SNCF, comme manager de terrain. « Un atout pour exercer dans les RH », estime-t-elle. Elle enchaîne ensuite les expériences de RRH puis de DRH au sein de Melitta (fabricant allemand de filtres à café), Henry Schein (distributeur américain de produits dentaires et vétérinaires), Cegos (formation), puis Octo Technology en 2016, au moment du rachat du cabinet par Accenture. « C’était un univers très différent, une entreprise en croissance très rapide, avec de nombreux salariés à recruter dans un secteur pénurique. J’y ai aussi trouvé une culture d’entreprise particulière, proche de l’entreprise libérée, avec beaucoup de coconstruction avec les salariés. »
Le métier de DRH est-il le même dans tous ces contextes d’entreprise différents ? « Il y a une part invariante dans la fonction RH, estime Nathalie Avramesco. Mais il y a une partie à géométrie variable, notamment en fonction du contexte économique de l’entreprise. » Selon les ressources disponibles, « ce qu’on va pouvoir mettre en œuvre en matière de marque employeur, de relations sociales, d’avantages salariés sera très différent. Quand il y a peu de moyens, il faut être créatif ! »
Sommaire
LUTTER CONTRE LE SEXISME DANS LA TECH
Octo étant une entreprise de la tech, secteur très masculin, le sujet « diversité » a d’abord été abordé en 2015 sous l’angle de l’égalité femmes-hommes. « C’était avant #Metoo, se souvient Nathalie Avramesco. Certaines choses étaient tolérées qui ne le sont plus du tout aujourd’hui. Tout est parti d’une blague sexiste faite par un salarié lors d’une plénière. Des hommes ont décidé le lendemain qu’il fallait faire évoluer les choses. » Un exemple de la façon dont fonctionne la « culture très organique » de l’entreprise : les idées mises en oeuvre viennent souvent de salariés.
Arrivée peu après, en 2016, Nathalie Avramesco raconte : « nous avons commencé à travailler avec la communauté de pratique à des actions de sensibilisation pour développer un environnement plus inclusif. » C’était la condition pour que les femmes non seulement rejoignent l’équipe, mais aussi aient envie de rester !
UNE GOUVERNANCE ALLIANT RH ET OPÉRATIONNEL
« Cette démarche organique fonctionnait bien, mais nous avons pensé qu’il fallait mettre en place une gouvernance pour accélérer sur ces sujets. » C’est chose faite début 2023, autour de 4 principaux axes : l’égalité femmes-hommes, les personnes LGBTQIA+, le handicap et la mixité sociale. Le principe est, sur chaque thème, de mettre en place un binôme RH/opérationnel. « Il est fondamental pour nous que ces sujets soient pris en charge par les opérationnels, même si les RH donnent l’impulsion. Les salariés ne vivent pas avec les RH mais avec leurs collègues, leurs managers. » Le risque est d’avancer en silo sur ces différents thèmes, d’où l’importance de mettre en place des mécanismes qui permettent de tenir compte de « l’intersectionnalité : une personne qui cumulerait plusieurs facteurs de discrimination ne sera pas seulement soumise à la somme de ces discriminations ».
Comment mesurer les progrès réalisés ? « Sur le gender mix, c’est facile. Nous savons que nous sommes passés de 11 % de consultantes à un peu plus de 30 % en quelques années. Sur les LGBTQIA+, en revanche, il n’est pas possible d’avoir des chiffres. »
Dans l’ensemble, il s’agit surtout de mettre en place les meilleures pratiques et l’environnement le plus favorable. « Nous sommes une dizaine à nous être formés pour être fresqueurs, pour animer la Fresque de la diversité » – le pendant de la fresque du climat sur le sujet de l’inclusion.
SENSIBILISATION ET PROCESS
Pas de quotas d’hommes et de femmes dans le recrutement et la promotion chez Octo, mais de nombreuses actions de sensibilisation, par exemple sur les biais liés au genre. « Un manager pourrait penser qu’il ne doit pas proposer une promotion à une jeune maman car elle n’aura pas le temps de prendre de nouvelles responsabilités. Mais il ne faut pas penser à sa place, et un jeune papa aura le même sujet. » D’autres actions visent plus spécifiquement les femmes car « en moyenne, un homme va postuler dès lors qu’il coche 50 % des cases, une femme ne se sentira pas légitime à le faire en-dessous de 90 % ».
Chez Octo, l’accès aux niveaux hiérarchiques les plus élevés est encadré par des commissions qui incluent au moins une femme. Globalement, le pilotage ne se fait pas par la contrainte, mais par l’incitation, l’information, les process vertueux, la transparence des données. « Sur la rémunération, nous avons une enveloppe qui permet de distribuer des boosts individuels, dès lors que l’on identifie une personne en décalage de rémunération injustifié, pour les femmes comme pour les hommes. »
PROMOUVOIR LA DIVERSITÉ DE PROFILS
Qu’en est-il de l’axe « mixité sociale » ? « Nous avons une importante population d’ingénieurs et de bac+5, souvent issus de parents cadres. Il est important pour nous d’améliorer la mixité pour jouer notre rôle sociétal, mais aussi avoir des salariés qui ressemblent davantage à la société, et favoriser la créativité. » Une façon de le faire est de « recruter davantage de profils en reconversion ». Mais il est important également de prendre le problème davantage à la racine. « Nous accueillons souvent en stage de 3e des enfants et neveux de collaborateurs, et une majorité de garçons. Nous avons décidé que pour chaque garçon accepté en stage, une fille ou un jeune de milieu défavorisé lui serait adjoint. » Un partenariat avec un collège à forte mixité sociale a déjà permis de monter un stage collectif avec une dizaine de jeunes, dont une moitié de filles.
Globalement, les entreprises ont encore beaucoup à faire en matière de diversité. « La France progresse encore trop lentement, notamment sur la question de la part des femmes dans les postes à responsabilité. Les équipes dirigeantes doivent s’emparer de la diversité et de l’inclusion avec conviction, intégrer véritablement la thématique dans les process, en abordant les sujets de manière systémique. »
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Crédit photo : Christophe Boulze