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Marque employeur : plume ou enclume ?

le 04 décembre 2019
Marque employeur : plume ou enclume ?

Véritable sujet ou simple tendance ?

Lorsque le sujet de la marque employeur est évoqué, un vent de scepticisme souffle dans les couloirs de l’entreprise. Le comité de direction peste qu’une énième ligne budgétaire soit créée pour un sujet qui ne donne aucune visibilité sur le ROI des actions ; les managers pensent que c’est un concept “à la mode” et inutile, un peu comme le chief happiness officer, qui s’essoufflera très rapidement ; et les responsables des ressources humaines se réjouissent tout en s’inquiétant de ce nouveau projet ambitieux qui nécessitera des moyens importants pour des résultats parfois peu notables.

 

Pourquoi donc autant d’engouement autour de ce sujet ?

Quelques éléments de rappel : la marque employeur correspond à la formalisation et la déclinaison de l’ADN de l’entreprise dans l’expérience candidat, l’expérience collaborateur et l’offre RH. En tant qu’ADN de l’entreprise, elle ne s’invente, elle se construit sur la base du vécu des collaborateurs. C’est un véritable projet d’entreprise qui donne de la cohérence aux valeurs en interne, fédère les collaborateurs et qui peut créer un sentiment de fierté et d’appartenance. Cette déclinaison peut se concrétiser en plusieurs actions : communication, RSE, cadre de travail, style managérial, vie quotidienne des collaborateurs, qualité de vie au travail, etc.

Elle devient une véritable arme de conviction dans cette guerre des talents qui n’en finit plus. En effet, le pouvoir a basculé, il est désormais du côté des talents. Ces derniers ne veulent plus d’une vie rythmée par le travail. Au revoir métro-boulot-dodo, bonjour équilibre vie professionnelle – vie personnelle ! Autrement dit, ils prennent le temps de choisir leur future entreprise et surtout de choisir leur futur. Ce changement de paradigme a fortement encouragé les sociétés à devenir plus authentiques dans leur façon d’être et à formaliser plus concrètement leur marque employeur.

D’ailleurs, elles le constatent, des valeurs affichées sans preuve n’incitent plus les candidats à postuler ni aux collaborateurs à rester. Le temps des entreprises ouvertes, transparentes, est venu. Aujourd’hui, la parole est aux collaborateurs et autres personnes externes à l’entreprise – clients, partenaires, prestataires, etc. – sur les réseaux sociaux. Leurs avis impactent fortement l’image et la notoriété de l’entreprise. C’est pourquoi la marque employeur est devenue un enjeu de taille et prioritaire, et non pas un simple effet de mode.

 

Plume ou enclume ?

La marque employeur s’immisce dans les différents niveaux de l’entreprise. Par conséquent, lors de la planification d’un projet de formalisation et/ou de refonte de la marque employeur, deux pensées dichotomiques surgissent dans l’esprit de la personne en charge du projet :

Enfin une clarification de notre état d’esprit pour attirer, recruter et fidéliser nos talents

Mon Dieu ! Comment vais-je m’en sortir ?! Nous sommes déjà tous en apnée avec des projets prioritaires de par leur urgence

 

Les responsables de la marque employeur, qu’ils soient issus des RH ou de la communication, se sentent alors souvent seuls, car peu de pairs peuvent les aider et les nourrir dans leurs réflexions. De plus, ce sujet est parfois incompris par les autres collaborateurs et suscite un dédain inapproprié. En effet, bien qu’étant un concept né en 1980, il n’est encore qu’un frêle adolescent ayant besoin de grandir et gagner en maturité. Il est donc compréhensible que les entreprises ne sachent pas à quelle sauce le préparer ni à quel département le confier : RH ? Communication ? Marketing ? Un mixte ? L’externaliser ? Bref, l’interprétation est ouverte à tous.

 

En se penchant sur sa marque employeur, l’entreprise ouvre la boîte de Pandore : elle ne sait pas réellement ce qui l’attend, elle sait juste que de nombreux sujets vont en sortir et nécessiter une certaine attention.

 

C’est pourquoi ce sujet complexe est régulièrement inscrit sur la “to-do list” et y restera jusqu’à ce que la décision de s’y atteler (réellement) sera définitivement prise.

 

Pourtant, la marque employeur est salvatrice pour tous les acteurs de l’entreprise, que ce soit les RH, les managers, les collaborateurs ou encore le comité de direction. Elle permet de donner le cadre et de refléter l’ADN de l’entreprise.

 

Prenons comme métaphore un jeu de société. Si, face à vous, je pose un plateau, des pions et des dés sans règle précise, ne vous poseriez-vous pas des questions ? Ne me demanderiez-vous pas comment le jeu se joue ? Son but ? Ses règles, tout simplement ? S’ajoute à cela qu’en omettant les règles du jeu et le contexte, vous ne pouvez pas déterminer si ce jeu vous plaira et si vous aimeriez poursuivre la partie.

 

Pour la marque employeur, c’est la même chose. Elle définit les règles du jeu de l’entreprise et teinte chacune de ses actions. Grâce à cela, la perception des parties prenantes – internes et externes – sera positive et cohérente.

 

D’autre part, en formalisant la marque employeur, il est plus aisé pour l’entreprise de partager sa vision avec ses collaborateurs et d’attirer des talents en adéquation avec ses besoins et ses attentes. Cela se traduit par un nombre de CV qualifiés reçu, des collaborateurs plus engagés et fidèles, un turnover plus faible, un coût de recrutement réduit… Côté collaborateurs, la marque employeur facilite la transmission du sens donné à leur travail, point primordial et très recherché. Ainsi, bien que cela soit, au démarrage, un travail de longue haleine, il portera ses fruits !

 

Prendre en main sa marque employeur

Qui dit vaste sujet, dit gestion en mode projet. Cela nécessite l’implication, de manière plus ou moins importante, des managers, collaborateurs et comité de direction afin d’en faire un véritable projet d’entreprise et de l’inscrire dans une stratégie RH performante et cohérente avec la stratégie globale de la société.

 

Il doit alors être suivi et mesuré par des indicateurs clés notamment ceux sur les attributs de la marque employeur :

  • L’attractivité correspond à l’envie de postuler, pour vos candidats, ou de rester, pour vos collaborateurs, dans l’entreprise ;
  • La visibilité correspond aux actions et discours accessibles par tous ;
  • La lisibilité est définie comme étant la clarté et la compréhension des actions et discours de l’entreprise ;
  • La notoriété est votre renommée auprès du public, qu’il soit interne ou externe ;
  • L’adaptabilité est votre capacité à ajuster votre marque employeur en fonction des besoins internes et externes tout en conservant un socle commun ;
  • La pérennité correspond à votre volonté de concevoir une marque employeur s’inscrivant dans le temps ;
  • La cohérence correspond à l’harmonie des discours et actions internes avec les discours et actions externes ;
  • La différenciation correspond à votre capacité à marquer vos points de divergence par rapport à la concurrence employeur.

 

Ces KPIs sont non seulement des aides à la prise de décisions, mais aussi des arguments pour défendre les bienfaits des actions menées au nom de la marque employeur auprès du comité de direction.

 

En sus, tout ce qui sort de cette merveilleuse boîte de Pandore doit être consigné dans la roadmap opérationnelle des équipes RH. Les indicateurs évoqués tantôt faciliteront la priorisation de leurs actions en fonction des enjeux définis en amont. Son coût d’investissement financier et humain sera largement compensé par les gains pour l’entreprise (tels que réduction du turnover, meilleure attractivité, fidélisation des collaborateurs…).

 

Finalement, cette fameuse marque employeur peut être une plume si elle est menée de front et embarque l’ensemble des acteurs. Miguel de Cervantes soulignait que “la plume est l’interprète de l’âme : ce que l’une pense, l’autre l’exprime”. Saisissez-vous donc de cette plume et commencez à écrire l’histoire de votre entreprise.

 

Retrouvez les autres contributions d’expert(e)s sur notre blog :

[DOSSIER] DRH : pleins phares sur la marque employeur

ou directement sur le site du Mag RH.

 



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