Faites attention à vos collaborateurs “bons élèves” !

L’entreprise a besoin de collaborateurs flexibles et respectueux du cadre. Mais les “bons élèves” jouent trop bien le jeu : surinvestis et soucieux de bien faire, ils se suradaptent. A quel prix ?

 

Les « bons élèves » au travail, pas si facile à manager

Sur le papier, on voudrait dix comme ça dans l’équipe. Très engagé, le “bon élève” au travail a l’art de se conformer aux attentes. Il est loyal, fiable et responsable. Que lui demander de plus ? Paradoxalement, ce serait d’en faire moins. Car le “bon élève” a un défaut majeur : il ne met pas de limite à son adaptation. Quelle vigilance pour le management et les RH, face à ces profils ? C’est le genre de profil qui se laisse oublier : un collaborateur facile, pour qui tout semble rouler. Pourtant, l’organisation gagne à y être attentive car le laisser en roue libre présente des risques.

Avant tout, le “bon élève” veut assurer sa mission à tout prix. Par exemple, il compense un manque de moyens – temps, ressources dans l’équipe – en donnant tout et sans se plaindre. Si bien que son manager ne soupçonne pas son épuisement progressif. Un cercle vicieux s’enclenche alors : le manager voit bien le surengagement mais attend des signaux d’alerte du “bon élève” pour le soulager. Responsabilisé par la confiance qu’on place en lui, le “bon élève” poursuit sur sa lancée, avec toute sa conscience professionnelle. Le manager s’inquiète parfois : “il n’a pas pris de congés depuis l’an dernier”, “elle travaille énormément, elle a l’air surmenée”, “il est devenu très émotif, je ne le reconnais plus” etc. Mais tant qu’aucun fait marquant ne vient rompre l’équilibre, le cercle vicieux continue à tourner et le “trop bon élève” risque de craquer quand il sera trop tard.

Autre aspect, ces collaborateurs surinvestis se mettent une forte pression pour répondre aux attentes, et les dépassent souvent : documents irréprochables, attitude exemplaire… Un investissement bien agréable pour leurs managers, qui ne songent pas toujours à en souligner l’excellence. Faute de feedback en ce sens, le “trop bon élève” risque de se surpasser dans sa quête de bonne note. Jusqu’au burn-out ?

 

Premiers de la classe en burn-out

En réalité, quels risques court l’entreprise en fermant les yeux sur ce surinvestissement individuel ? Des situations d’épuisement, tout d’abord : le burn-out touche d’autant plus les “bons élèves” qu’ils courent après une reconnaissance de leur hiérarchie, laquelle ne vient pas toujours, en tout cas comme ils la souhaitent. Alors ils cherchent encore plus fort à l’obtenir… mais sans la demander.

Le désengagement, ensuite : ceux qui jouent trop bien le jeu au travail tolèrent la perte de sens, le sentiment d’ennui ou d’inutilité dans leur travail (bore-out). Ils tiennent bon et finissent par éroder leurs forces. La démotivation les guette et au bout du bout, acculé, ce sera l’arrêt maladie – un bon élève démissionne peu, ce serait un échec pour lui.

Enfin, au niveau collectif les bons élèves masquent parfois des lacunes dans une équipe, qu’ils compensent – travail inégal, manques de compétences … En prenant tout en charge, ils tendent à déresponsabiliser d’autres collaborateurs. Voilà un problème de taille pour l’efficacité collective, et un système fragilisé qui repose entièrement sur ces piliers finalement pas si solides.

Quelle responsabilité alors pour managers et RH ? Remettre de l’équilibre en amenant les bons élèves à prendre leur juste part, pas plus. Voilà un beau paradoxe pour un manager ou un responsable des ressources humaines ! Il faudrait freiner la bonne volonté de certains collaborateurs, alors même que leurs efforts sont précieux pour l’entreprise !

 

Accompagner les “bons élèves” : des feedbacks et des attentes plus explicites

Quelle attention particulière porter à ces profils et comment les accompagner ? Pour le manager, il s’agit de changer sa manière d’interagir avec eux, afin de casser la boucle du “toujours plus”. Entendons-nous bien, si le manager n’est pas responsable du profil “bon élève” de celui qu’il encadre, il a une influence sur lui. En premier lieu, il s’agit de repérer qui, dans l’équipe, joue au “bon élève” de manière excessive. De qui le manager entend-il peu parler ? Qui fournit un excellent travail, sur qui peut-il compter sans limite ? Et qui ne demande jamais rien en retour ?

Averti, le manager pensera à dire plus tôt à son collaborateur surinvesti, “c’est parfait, mais tu sais, je ne t’en demandais pas tant”. Autrement dit, faire des feedbacks réguliers pour tempérer la pression que se met naturellement ce collaborateur. Ou encore, les autoriser – ou les enjoindre ! – à lever le pied si nécessaire. Il peut aussi être bénéfique d’expliciter les attentes pour pointer l’excès de travail : “je n’attends pas de toi que tu en fasses autant”, voire “tu me piques mon boulot” ou alors “laisse-en pour les autres”. Il s’agit de prendre soin de ces collaborateurs en répondant à leur besoin de reconnaissance, tout en les cadrant par des attentes plus clairement exprimées, pour stopper la boucle de suradaptation. Enfin, faire plus régulièrement le point avec eux sur leur niveau d’investissement, leurs besoins, peut éviter une dérive. Et faire accompagner ceux qui ont du mal à lâcher.

 

Occupez-vous de ce qui va bien ! En aidant les bons élèves à se mettre moins de pression, vous permettrez aux équipes de se rééquilibrer. En jeu, il y a aussi l’évolution de ces talents : en les accompagnant à sortir du cadre et à exprimer davantage leur individualité, ils pourront prendre d’autres responsabilités. Et gageons que la place vacante du “bon élève” dans l’équipe sera bien vite pourvue à nouveau !

Karine Aubry est coach systémique, elle accompagne managers et dirigeants à cultiver leurs compétences relationnelles et un regard stratégique pour sortir du “toujours plus”. Elle partage des pistes de réflexion sur son blog kolibricoaching.com et dans son dernier livre Trop bon élève au travail ? Attention danger ! Savoir échapper aux pièges de la suradaptation professionnelle (Dunod, 2021).

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