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Voguez vers de nouveaux horizons en misant sur la diversité !

le 23 mai 2016
La bateau du skipper Eric Bellion COMMEUNSEULHOMME

La diversité des équipes est un facteur d’innovation et de performance, une idée que souhaite partager le navigateur Eric Bellion, prochainement au départ du Vendée Globe. A bord de son voilier intitulé « COMMEUNSEULHOMME », il tente d’éveiller les consciences sur la question de la diversité, au-delà du traitement civique ou légal que lui réserve l’entreprise. C’est donc dans cette optique qu’Eric a mis au point une démarche pour aider les managers à créer les conditions de réussite au sein d’équipes diversifiées en s’appuyant sur ce qu’il nomme le « fondamental ».

 

Eric Bellion sera le 6 novembre 2016 sur la ligne de départ du Vendée Globe. Si l’exploit sportif est en lui-même exceptionnel – un tour du monde en solitaire, sans assistance et sans escale –, le fait qu’un navigateur mette à profit un tel événement pour sensibiliser à la question de la diversité l’est d’autant plus. Pourtant, Eric Bellion n’en est pas à son premier exploit en la matière. Retour sur un parcours atypique.

 

Le problème du traitement du handicap en France

 

Eric Bellion est tombé dans la notion de différence par hasard. Au cours de ses études dans une école de commerce, alors qu’il se destinait à une carrière dans le marketing ou le commerce, il se lance un défi avec deux amis : faire le tour du monde à la voile. En 2003, ils sont prêts à partir. Mais pour garder un pied dans la réalité, ils veulent donner un sens à leur voyage et s’intéressent alors à l’idée d’embarquer avec eux des personnes handicapées.

Rapidement, Eric rencontre, par l’intermédiaire de son entourage, des gens intéressés par son aventure, des infirmes cérébraux moteurs. De fil en aiguille, ce sont 45 jeunes adultes atteints de paralysie cérébrale qui vont successivement accompagner les marins tout au long de leurs 3 années de navigation.

A son retour sur la terre ferme en 2006, Eric Bellion commence à s’intéresser à la manière dont on traite le handicap en France. Il constate que ces personnes, bien que disposant du droit de travailler, sont couramment stigmatisées, voire exclues du monde du travail et plus globalement de la vie sociale. Selon cette étude de l’INSEE, 41 % des personnes handicapées « déclarent avoir subi au cours de leur vie une discrimination à cause de leur état de santé ou d’un handicap. C’est huit fois plus que chez les jeunes sans handicap. »

Eric analyse la situation : l’exigence du travail et les difficultés du quotidien empêchent de s’ouvrir à des personnes atypiques, car elles font bien souvent peur. La peur de ralentir l’équipe et la peur des aménagements nécessaires font que les personnes handicapées se retrouvent mises à l’écart dès lors que leur différence est visible. En réalité, elles sont un atout pour l’entreprise. « Handicap ne rime pas avec incapacité », affirme-t-il.

C’est alors qu’en 2007, il se lance un nouveau défi, intitulé Défi Intégration, afin de démontrer que la mixité peut être une source de performance. Il constitue un équipage pour le moins diversifié : hommes, femmes, jeunes, vieux, issus de milieux sociaux différents, handicapés… Tous amateurs. Avec cet équipage, ils partent naviguer et, en 2010, ils accomplissent l’impensable : effectuer en 68 jours la route Morbihan-Île Maurice, un record toujours détenu à ce jour par cet équipage mixte.

 

[Tweet «  »La #diversité, c’est d’abord travailler sur le fondamental », pour @Comme1SeulHomme. »]

 

La diversité, c’est d’abord travailler sur le fondamental

 

La réalité de ce défi, Eric Bellion ne le cache pas : « C’était un projet difficile humainement. Mais les conditions de la navigation sur mer permettent de laver les idées bien pensantes. (…) La diversité, c’est avant tout une réelle difficulté. Ce n’est pas une source de richesse immédiate, mais d’abord d’embêtement. La richesse se trouve dans la volonté qu’on va mettre pour travailler ensemble. »

Son nouveau projet Team Jolokia naît avec son envie de montrer que l’on peut surmonter ses différences. Eric acquiert alors un bateau de la Volvo Ocean Race de 20 mètres dans le but de n’y mettre que des gens aux profils radicalement différents. « Ce n’est pas une publicité Benetton. L’objectif est de travailler sur le fondamental commun : l’adhésion au projet, l’envie de se battre contre des professionnels, le partage de la notion de sacrifice, d’engagement, le respect du leadership… »

Le bateau prêt, des questions essentielles se posent, notamment en matière de recrutement et de sécurité. Eric Bellion ne sait pas comment s’y prendre, par où commencer : « dès que les personnes sont différentes, on n’a pas les clefs pour savoir si elles partagent le fondamental. »

Car le fondamental, invisible au départ, va pourtant servir de base sur laquelle l’équipe va se construire. Mais pour déterminer si chaque membre de l’équipe dispose de cette base commune, un travail de longue haleine est nécessaire. Eric Bellion va mettre en place, petit à petit, des passerelles là où dans les premiers temps l’équipe ne partage pas les mêmes codes : « on a passé du temps à se briefer, se débriefer. On a pris le temps de se rencontrer, comme ça devrait avoir lieu en entreprise ». C’est seulement à partir de là que les différences, qui séparaient au départ, ont pu devenir des atouts.

Il aura fallu 3 mois et demi pour qu’au sein de l’équipe Jolokia, la performance commence à se faire sentir. L’équipage décide alors en 2013 de participer à une célèbre course, la Rolex Fastnet Race, dans la catégorie « Reine », celle des plus gros voiliers. Sur un total de 18 bateaux, 17 sont aux mains des meilleurs marins du monde. Team Jolokia est donc le seul bateau associatif. A l’arrivée, il est 8e. Un exploit.

« Les 10 concurrents arrivés après nous ne sont pas venus pour nous féliciter, au contraire, ils étaient en colère : qu’avaient-ils loupé pour se faire battre par des amateurs, qui plus est par un équipage composé de femmes, de vieux et de handicapés ? » L’eau est à 14°C et pourtant, l’équipage célèbre sa victoire en se jetant à l’eau et en jubilant sous le regard médusé des concurrents. Car de victoire, c’en est une : « le bonheur ne vient pas d’avoir gagné, mais cette victoire les vaut toutes : on a vécu l’aventure de notre vie. »

Eric Bellion en est désormais persuadé : « en se fixant une contrainte forte, qui peut apparaître à première vue comme une fragilité, on innove. »

 

Un voilier navigue vers l'horizon pour symboliser la diversité

 

[Tweet « La #diversité, source de #performance, d’#innovation et de #bonheur ! Avec @Comme1SeulHomme »]

 

La diversité, source de performance, d’innovation et de bonheur

 

Pour atteindre la performance, l’innovation et le bonheur grâce à la diversité, Eric Bellion met au point une démarche en 5 étapes :

  1. Oser la différence : constituer une équipe que personne n’attendait, pas de façon angélique, mais en s’intéressant à l’invisible, et plus particulièrement sur ce qui va souder le groupe, les « fondamentaux ».
  2. Faire confiance : il y a une part d’erreur en chacun de nous, donc il ne faut formater personne et laisser faire des erreurs en tant que skipper/manager.
  3. Innover grâce à la contrainte : dans une équipe, l’autre va me permettre d’apprendre quelque chose que je n’avais jamais fait, et donc également d’obtenir ce que je n’avais jamais eu. « On innove moins bien avec des clones », dit Eric. Toutefois, cette étape n’est valable que si on est bien managés (étape 2) et si on partage les mêmes fondamentaux (étape 1).
  4. Viser la performance collective : au contraire de la performance individuelle (dans laquelle les forts et les faibles sont séparés), la performance collective tend à diminuer la rivalité des équipes. « Il n’y a pas de menace possible quand on n’en garde pas sous le pied », affirme-t-il encore. C’est aussi une formidable occasion d’augmenter l’implication de son équipe qui donnera son maximum. Là encore, la diversité nécessite surtout d’être bien managée.
  5. Exulter en équipe : étape finale, celle qui permet de parvenir au bonheur. On a pris des risques, innové, et on est enfin heureux ensemble. Ce bonheur est réinvesti dans la performance et l’équipe entre dans un cercle vertueux.

Le constat émis par Eric est clair : ça marche !

 

COMMEUNSEULHOMME au départ du Vendée Globe

 

Aujourd’hui, malgré ses multiples témoignages, Eric Bellion est conscient que la question de la diversité n’intéresse encore qu’assez peu de monde : dans les auditoriums à demi pleins, il prêche des convaincus. Alors pour s’adresser au plus grand nombre, il souhaite frapper plus fort, en participant à la course à la voile la plus médiatisée de France, le Vendée Globe, qui offrira à sa démarche une vitrine exceptionnelle.

Si l’aventure peut paraître saugrenue, rappelons que le Vendée Globe, c’est un skipper sur le piédestal, mais avec des équipes derrière. Mieux, ce sont 3 mois de médiatisation sur un projet qui nécessite en réalité 5 ans de préparation. La course n’est que le sommet de l’iceberg pour amener les gens à s’intéresser à cette question de la diversité, dont le bateau est un lien symbolique. Le monde de l’entreprise est d’ailleurs très friand de cette métaphore de la mer, qui s’exprime au travers d’une multitude d’expressions telles que « tous dans le même bateau », « avoir le vent en poupe », « garder le cap », « faire avec les moyens du bord » ou encore « fermer les écoutilles ». Le monde de la voile et de l’entreprise ne sont pas si éloignés.

COMMEUNSEULHOMME est donc le nom du navire sur lequel Eric naviguera pendant plusieurs mois, mais c’est aussi le nom de son association qui regroupe 14 entreprises mécènes engagées à faire bouger concrètement les choses du point de vue de la diversité. Car pour atteindre l’objectif de visibilité pendant le Vendée Globe, ces entreprises et leurs 80 000 collaborateurs ne seront pas de trop.

Beaucoup d’entreprises abordent la diversité pour des raisons légales ou pour une question d’image, mais dans la réalité concrète du terrain, la différence se traite avant tout à travers l’angle du management. Toute l’équipe de Parlons RH en est également convaincue. L’objectif ? Faire en sorte que les gens travaillent mieux ensemble. « Il est nécessaire de sortir d’une vision de la diversité avec des cases et de la remettre là où elle est intéressante : dans la performance. Sans différence, pas d’histoire, pas d’émotion. » Tel est le message qu’Eric Bellion souhaite délivrer au travers du Vendée Globe. Quant à ce que nous pouvons lui souhaiter ? Bon vent, bien sûr !

 

Le navigateur Eric Bellion

 

Vous pouvez retrouver la page Facebook et le compte Twitter de COMMEUNSEULHOMME.

 

Crédits photos : © David PELLE & COMMEUNSEULHOMME

 

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