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Transformation digitale RH : l’impératif d’agilité

le 19 mai 2016
Champ de digitales

La digitale orne nos campagnes de ses somptueuses fleurs pourpres, roses ou blanches, en forme de cloches ; pourtant, ses pétales recèlent un poison violent. En irait-il de même pour le digital en entreprise ? Tour à tour présentée comme panacée de la productivité puis comme source inépuisable de nouveaux risques RH, la digitalisation n’est pas, pour les salariés, un long fleuve tranquille. En tâchant de se garder autant de l’alarmisme technophobe que de l’angélisme béat, posons-nous la question des conditions d’une transformation digitale réussie, sous l’angle de la qualité de vie au travail.
 

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Le digital, un défi sociétal

Le digital, c’est entendu, révolutionne l’économie et les organisations. Et les ressources humaines sont concernées à tous les étages. Il ne se passe guère de semaine sans que l’actualité nous le rappelle d’une façon ou d’une autre :

  • en janvier 2016, la Cour européenne des droits de l’homme reconnaissait qu’à certaines conditions, l’employeur peut consulter les messages électroniques d’un salarié. C’est toute la question du conflit respect de la vie privée versus pouvoir disciplinaire de l’employeur, mais aussi celle de l’imbrication vie personnelle/vie professionnelle qui sont posées.
  • En décembre 2015, Amazon décidait d’utiliser Tinder, le site de drague en ligne, pour recruter ses ingénieurs. En septembre, le même site s’était associé à Forbes pour organiser des mises en relation professionnelles. Au-delà de cet exemple, le Big data, le collaboratif, le mobile révolutionnent le recrutement.
  • Pêle-mêle, le bulletin de paie, la gestion des absences et des congés, les déclarations sociales, le processus de recrutement, le reporting, la formation bien sûr… tous les processus RH se digitalisent et s’automatisent. Parfois, sans autre conséquence qu’un gain de temps et d’efficacité ; souvent, cependant, avec des effets secondaires imprévus.

La révolution numérique, résumait le rapport Mettling en septembre 2015, « loin de se résumer à l’usage d’outils numériques, […] marque l’arrivée, dans l’entreprise, de méthodes de conception, de production, de collaboration, qui sont aussi des méthodes de pensée, de travail, d’organisation. » Surtout, la transformation digitale envahit nos pratiques à une vitesse inégalée dans le passé. Le même rapport nous rappelait qu’il aura fallu 38 ans après son invention pour que la radio atteigne les 50 millions d’utilisateurs dans le monde ; mais l’Internet à domicile a atteint ce chiffre en trois ans – et Twitter en 9 mois.

 

Croissance et confiance

La question est loin d’être uniquement sociale : en réalité, elle nous amène au cœur de la mission des RH au XXIe siècle. Comme toujours, l’enjeu économique et l’enjeu social sont deux aspects d’une même réalité ; et c’est à la fonction RH que revient la mission de les harmoniser.

Autrement dit, avec la transformation digitale, les entreprises font face à un double défi :

  • Accroître leur productivité par un usage pertinent du numérique. Il s’agit de faire mentir, au moins à l’échelle de l’entreprise, les prédictions de l’économiste américain Tyler Cowen. Pour celui-ci, l’innovation digitale, pour révolutionnaire qu’elle soit, ne va pas créer de croissance forte dans nos contrées développées, à la différence des grandes vagues d’innovations précédentes. Inverser cette prophétie suppose, pour l’organisation, d’éviter les effets de mode, d’analyser ses besoins et d’être réactifs.
  • Deuxième défi : dans le même temps, il s’agit d’accroître la confiance. La défiance caractérise les relations de travail sur le continent en général et en France en particulier. Y remédier implique une évaluation adéquate de l’impact de l’innovation technologique sur les conditions et l’environnement de travail.

 

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Les risques du métier numérique

En 2012, déjà, un rapport du Conseil d’analyse stratégique (aujourd’hui France Stratégie) faisait le point sur la question. Cinq principaux types de risques étaient identifiés :

  • l’intensification et l’accélération du travail ;
  • l’affaiblissement des relations interpersonnelles ;
  • l’overdose d’information ;
  • un contrôle renforcé qui réduit l’autonomie des collaborateurs ;
  • le brouillage des frontières entre vie personnelle et professionnelle.

Le RRH y reconnaîtra facilement des situations de son quotidien. De ces cinq risques, le premier est particulièrement susceptible de se manifester par des problèmes de santé au travail ; les trois suivants par une perte d’efficacité ; et les deux derniers par du contentieux. Dans tous les cas, c’est la confiance entre management et collaborateurs, et entre les collaborateurs eux-mêmes, qui est perdante.

Pour autant, rappelait le rapport, l’influence du digital sur la santé au travail proprement dite n’est pas vraiment mesurée. Son impact sur l’environnement et les conditions de travail reste difficile à quantifier. De fait, quatre ans plus tard, nous ne sommes pas fondamentalement plus avancés du point de vue du diagnostic. Mais les thématiques continuent à faire débat.

 

Un devoir de déconnexion ?

Le Plan Santé au Travail pour 2016-2020, rendu public fin 2015, identifie bien, dans ses priorités d’action, la nécessité de « veiller aux conditions d’usage des outils numériques ». Il parle également de « mettre les technologies numériques au service de la qualité de vie au travail, dans le cadre du dialogue social », en retenant trois pistes :

  • l’actualisation de l’encadrement du télétravail, dont les bases remontent à l’accord national interprofessionnel de 2005 ;
  • l’évolution du cadre légal du droit à la déconnexion ;
  • la promotion des accords de branche et d’entreprise sur la question.

Signalons en effet qu’à toutes fins utiles, le droit à la déconnexion existe déjà : un employeur ne peut pas sanctionner un salarié qui n’est pas joignable le soir ou le week-end. Mais la pression existe, et la question n’est pas simple. A côté d’un droit à la déconnexion, l’ancien DRH d’Orange Bruno Mettling – il le rappelait encore le 2 mars 2016 sur France Inter – proposait d’instituer un devoir de déconnexion en dehors des plages de travail… Vivre et laisser vivre, en somme !

Si nous n’en savons pas véritablement plus sur le bilan « bien-être au travail » de la transformation digitale, les approches semblent bien changer de nature. Le rapport publié au début de l’année par le Conseil national du numérique,  « Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires », n’aborde plus le sujet en distinguant « risques » et « opportunités » du numérique, mais en posant 9 débats de société. Parmi ceux-ci, l’avenir du salariat, le statut du travail humain, le lien entre revenus et travail, entre protection sociale et emploi… Le digital n’est plus envisagé comme une technologie de plus, mais comme l’instrument d’un changement de société.

 

La réponse : l’innovation RH ?

Reste que, selon une enquête réalisée dans 34 grandes entreprises françaises, 70% des salariés auraient peur du digital… Faut-il traiter cette méfiance comme une simple résistance au changement, qu’il conviendrait de surmonter ? En partie sans doute ; mais cette inquiétude peut aussi refléter de nombreux dysfonctionnements : des flux d’informations mal gérés, des formations insuffisantes, des outils inadaptés… Ou encore, un retard des technologies du lieu de travail sur celles que les salariés utilisent à la maison…

Dans ces situations, le RRH a un rôle à jouer, en interaction avec les managers et les collaborateurs. Il s’agit d’inventer, par le dialogue et la concertation, de nouvelles manières d’évaluer, de travailler ensemble, et de tirer le meilleur des technologies. Derrière l’innovation digitale, un vaste champ s’ouvre à l’innovation RH.

 

En définitive, ce qui fait la qualité de vie au travail, c’est peut-être le même cocktail qu’avant le début de la transformation digitale : un mélange de bon sens, d’écoute mutuelle, de reconnaissance, de confiance et de qualité du projet d’entreprise. Difficile d’en mettre la recette en équations. La société change, les femmes et les hommes demeurent.

Pour autant, il reste essentiel de se poser les bonnes questions au sein des équipes, et de se fixer collectivement des limites, des bonnes pratiques, des références. D’autant que celles-ci bougent rapidement, au rythme de l’innovation technologique !

 

Celle-ci, comme toujours, recèle à la fois le poison et l’antidote :

  • elle apporte des solutions à des problèmes existants… Exemple : l’email pour accélérer et faciliter la communication interne ;
  • … solution qui génère à son tour de nouveaux problèmes… Exemples : dépersonnalisation des relations, opacité des échanges, jeux de pouvoirs et d’exclusion dans les « cc » et les « cci »…
  • … qui trouvent à leur tour des solutions, à la fois organisationnelles… Exemples : open space, charte de règles d’envoi de mail, planification des réunions…
  • …et technologiques. Exemples :  visioconférence pour les sites distants, réseaux sociaux d’entreprise, plates-formes de type « Slack »…

L’essentiel reste sans doute d’être réactif, ouvert au changement sans en être l’esclave, sensible aux spécificités de chacun et aux modes de fonctionnement de chaque communauté – en somme, d’être « agile » !

 

Crédit photo : DR

 

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