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MOOCs et marque employeur, mariage en vue ?

le 04 juillet 2013

Les MOOCs, leur succès est fulgurant ! L’apprentissage tout au long de la vie professionnelle est devenu la règle… Les talents de demain, seront-ils sur les MOOCs ? Les plateformes MOOCs sont-elles les nouveaux territoires de la marque employeur ? Cet article vous aidera, je l’espère, à y voir plus clair.

 

L’explosion des MOOCs

Depuis une dizaine d’années, l’internaute peut trouver des vidéos en ligne des plus grandes universités, accessibles gratuitement. Ces initiatives, des professeurs eux-mêmes, ont été rejointes par des nouveaux intervenants : les plateformes MOOCs.

Les cours en ligne ouverts et massifs, ou MOOCs, font sortir l’enseignement des salles de classe traditionnelles. Ces plateformes offrent des contenus (vidéos, exercices, quizz,…) créés par les meilleures universités à la disposition gratuite de tout internaute.

Vous souhaitez accroître ou actualiser vos connaissances sur un sujet donné ? Rien de plus simple : il vous suffit d’avoir une connexion internet.

 

Focus sur trois prestataires

Depuis 2012, avec l’arrivée de nouveaux acteurs, le secteur des MOOCs s’est industrialisé. Nous pouvons citer les trois plus importants : Coursera le pionnier, EdX et Udacity. Ces trois organisations sont américaines, et viennent de fêter leur premier anniversaire.

 

 

En quelques mois d’existence, elles ont cumulé à elles trois presque 4 millions d’inscrits, localisés sur plus de 200 pays . Plus de 80 universités y ont adhéré, pour l’instant… car selon l’étude Enterasys, menée sur un échantillon mondial de plusieurs centaines d’universités, 43% des universités interrogées prévoient de lancer des projets MOOCs d’ici 2016, 83% des répondants pensent intégrer une des trois plateformes.

Leur modèle économique basé sur la gratuité des cours et la mise à disposition massive des contenus remet en cause le business model des universités et des organismes de formation continue.

 

Les MOOCs en trois mots

Nous avons réalisé une photographie des 3 plateformes MOOCs qui nous intéressent. Plusieurs articles nous ont aidés à mieux comprendre le débat qui entoure les MOOCs.

 

 

 

Elles sont plébiscitées par les uns, controversées par d’autres. Dans le monde de l’enseignement, les discussions continueront. Et pourtant, nous ne pouvons fermer les yeux et ignorer le phénomène.  Que l’on soit universitaire, prestataire de formation, recruteur, responsable marketing dans un secteur éloigné de la sphère RH/formation, les plateformes risquent d’impacter nos activités.

 

Que pouvons-nous retenir des articles et études sur le sujet ?

  • disparité : la qualité des cours est inégale. Celle-ci est la conséquence du niveau de contrôle des plateformes sur la pédagogie et des scénarii, sur la richesse des contenus …
  • fort taux d’abandon (en un mot ?) : un taux de réussite aux examens reste faible (entre 2 à 15 % par promotion) et le taux d’abandon est élevé (combien ?)
  • coûteux : des frais de développement, de déploiement et d’animation des MOOCs importants. Pour les universités, le ticket d’entrée n’est pas négligeable : estimé entre 80 000 USD à 500 000 USD en fonction du projet.

Des MOOCs en recherche de financement

Les investissements sont lourds, les universités américaines de culture libérale sont à la recherche de nouvelles sources de revenus. Les frais d’inscription sont trop élevés, le nombre de candidats n’est pas extensible. En Europe, le constat est le même avec une différence de poids : la présence du financement publique. Malgré tout, les acteurs européens de l’enseignement supérieur tentent de trouver de nouvelles sources de revenus. Le service de collecte de fonds universitaire ainsi que les départements FPC (Formation Professionnelle Continue) se développent un peu partout.

Ce contexte économique pousse les universités :

  • à diversifier leur financement,
  • à innover,
  • et à nouer des partenariats impensables il y a encore quelques années !

Selon l’étude Enterasys, 90% pensent que les MOOCs sont complémentaires aux cours en présentiel. C’est un bon moyen de développer la notoriété des universités auprès des étudiants potentiels (35%).

 

Le triptyque du contexte de développement des MOOCs

Analysons le contexte du développement récent des MOOCs selon trois angles.

1. Entreprises

  • les recruteurs cherchent à optimiser le sourcing des candidats ;
  • les DRH ou les responsables marque employeur doivent développer la visibilité et l’attractivité de leur entreprise (et devenir the Best Workplace).

2. Plateformes

  • les MOOCs cherchent à amortir leurs investissements ;
  • elles sont à la recherche de nouvelles sources de revenus.

3. Universités

  • les universités européennes sont confrontées à une réduction des finances publiques ;
  • les universités privées anglo-saxonnes font face à un endettement sans précédent de leurs clients ;
  • pour pérenniser leurs activités, les universités sont à la recherche de nouvelles sources de revenus.

Dans cet environnement, les trois sphères ont fortement intérêt à mettre en place des partenariats qui permettront de réduire leurs difficultés actuelles. Les plateformes MOOCs représentent une belle opportunité de développement.

 

Les sources actuelles de financement des MOOCs

Quelles sont à ce jour les sources de revenus des plateformes ? Pour les trois acteurs, nous avons principalement deux produits :

  • l’accompagnement des services techniques et pédagogiques pour aider à la digitalisation et à la scénarisation des cours ;
  • la vente de certificat (ou diplômation) aux étudiants avec une tarification qui peut varier de 30 à 80 USD pour les examens en ligne, à plus de 100 USD pour un examen en présentiel sous-traité à Pearson, par exemple.

Le cas Coursera est intéressant : cette plateforme a lancé un service destiné aux employeurs et aux cabinets de recrutement/chasseurs de têtes :

  • la vente de CV des étudiants (les meilleurs…. Ceux qui n’abandonnent pas et qui réussissent !)

A noter qu’EdX a d’ores et déjà, planifié d’autres sources de financement. Pour preuve, dans son contrat standard avec les universités, EdX a une clause stipulant que la plateforme pourra utiliser les datas des étudiants, vendre d’autres services…

« including, for example, book sales on the site, proctoring services, and any site wide employee-recruiting services”

Les nouvelles sources de financement des MOOCs

Ce dernier élément ouvre de nombreuses perspectives pour les services RH (les deux blocs en jaune dans notre schéma) :

1. Produits dédiés aux recruteurs

  • vente de CV simples
  • vente de profils détaillés au travers de l’analyse du comportement de l’étudiant durant les cours : détection des team-worker, des leaders…

2. Produits destinés aux responsables marque employeur

  • bannières d’offre d’emploi
  • bannières pour rediriger vers les sites carrières
  • courte vidéo avant le début du film du cours

3. Produits destinés aux étudiants

  • offrir de l’accompagnement personnalisé (tutorat) proche du blended learning
  • offrir de l’outplacement

MOOCs, marque employeur : les fiancés de l’an 2014 ?

Nous avons vu que Coursera, EdX ont d’ores et déjà verrouillé leur contrat afin de pouvoir développer de nouveaux produits destinés aux entreprises. La monétisation de l’audience, la vente de datas relatives aux étudiants devraient être les prochaines sources de revenus. Frédéric Mischler dans son billet « Et si les MOOCs étaient à terme l’avenir du Recrutement digital ? » va encore plus loin puisqu’il compare les MOOCs à Google…

Les conditions sont déjà là pour que les employeurs puissent communiquer sur ces plateformes.

  • Plusieurs millions d’inscrits, même si nous n’avons que 10% de réussite environ. Sur presque 4 millions, faites le calcul… Et ces statistiques ne concernent que les trois principales plateformes.
  • En fonction des contenus des cours, le message de l’employeur touchera une cible qualifiée.

Imaginons un cours de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne : initiation à la programmation en Java.

Nous supposons que les inscrits au cours ont un profil plutôt informatique. Comme tout bon « média », c’est à la charge de la plateforme de nous fournir les spécificités des inscrits (les éléments statistiques, mais également qualitatifs de l’audience). Le secteur des SSII court après les bons développeurs

  • pourquoi ne pas communiquer auprès de cette population au travers d’une vidéo courte avant celle du cours ?
  • pourquoi ne pas diffuser des bannières drainant du trafic vers le site carrières d’une SSII ?
  • et pour compléter nos actions, pourquoi ne pas engager la conversation avec des candidats potentiels au travers de la plateforme… On rejoindrait par cette dernière étape la fonction des réseaux sociaux professionnels.

Du côté des plateformes, nous pouvons nous demander :

  • si elles sont prêtes à offrir les garanties concernant la qualité de l’audience versus le profil des candidats recherchés ;
  • si elles sont prêtes techniquement à proposer des outils de gestion à distance des campagnes à destination des responsables marque employeur et/ou recruteur ;
  • si elles sont prêtes à fournir les éléments statistiques nécessaires à tout bon ROIste ;
  • si elles ont les ressources pour le suivi commercial et/ou de projet face à un grand compte qui souhaite communiquer sur les plateformes.

Du côté des inscrits, est-ce que la monétisation de leur datas et de leur audience ne risque pas d’impacter l’engouement pour les MOOCs, malgré la gratuité des contenus de cours ?

Beaucoup de questions restent sans réponse à ce jour. Nous avons peu de retours. Le modèle économique des plateformes est encore en construction, les services RH devraient garder à l’œil ces nouveaux outils d’apprentissage… Le contact (et la conversation) avec le candidat est multicanal et cross-canal. Demain, il pourrait échanger avec son futur employeur sur EdX, sur Coursera et sur Udacity. Demain, votre prochain salarié sera peut-être recruté sur le MOOCs de l’Ecole Polytechnique Paris ou sur celui de la Sorbonne. Leurs premiers MOOCs ouvrent « leurs portes » à la rentrée de septembre 2013… Les inscriptions sont ouvertes.

 

Pour aller plus loin

Les MOOCs : quel modèle économique ? – Web conférence du 12 juin 2013 – Université Pierre et Marie-Curie – intervenants Yves Epelboin, Gilles Macchia, Rémi Bachelet

Interview de Thierry Curial (Orange) – Lancement d’une plateforme francophone – article du 23 mai 2013 sur Educprof.fr

MOOCs News and review – Blog dédié aux MOOCs à travers le monde, contributeur principal Robert Mc Guire.

Etude sur l’impact des MOOCs sur les universités – Etude Enterasys, menée fin 2012 auprès des responsables d’université : leurs regards sur les MOOCs (200 universités à travers le globe)

 

                                   ______________________________________________________________

Naima Diviès, Training coordinator.

16 ans dans la formation continue, en tant que coordination des projets de formation dans l’industrie pharmaceutique et le secteur pétrolier, Naima prépare un MBA en e-business (Univ. L. de Vinci). Dans ce cadre, elle travaille sur une thèse professionnelle intitulée « le développement de la marque employeur et le web 2.0 ». Ses # : RH 2.0, marque employeur, nouveaux outils d’apprentissage.

Ses profils : lien LinkedIn | Twitter | Scoop it : Marketing RH 2.0 et marque employeur

Illustration : © jazzerup – Fotolia.com



Naima Diviès2013-07-17 09:18:44
Merci Vincent pour vos commentaires et pour vos encouragements. Pour votre dernière remarque, tout à fait d'accord, cela permet de sélectionner les meilleur profils, si bien sur, ils sont en recherche active. C'est beaucoup plus qu'un CV qui est vendu aux recruteurs ... C'est un profil complet, très qualitatif, puisque il va pouvoir donner des éléments sur le comportement durant la formation (leadership, solidarité / esprit d'équipe). Le profil peut alors être proposé aux recruteurs. Les MOOCs pourront se différencier des job-bords au travers de cet aspect très qualitatif. Mais attention, pour l'instant toutes les plateformes ne le font pas ... Nous n'en sommes qu'aux balbutiements de cette activité. Les besoins de financement les pousseront à diversifier leurs produits.
Vincent Held2013-07-15 09:50:41
Très intéressant, je découvre ce domaine dont j'ignorais jusqu'à l'acronyme...C'est visiblement un marché porteur, et qui permettra sans doute de "démocratiser" au niveau mondial les cours des plus prestigieuses universités. La seule chose qui m'a surprise, c'est que l'on puisse vendre les CV des participants...Je suppose que ceux-ci en sont avertis et que la formation représente une sorte de sélection qui leur permet de se profiler auprès d'employeurs renommés? En tout cas, bravo !
salvatrice2013-08-06 09:59:55
oui Vincent surement au début mais on sait bien que le mariage à des entreprises à forte notoriété risque malheureusement de rendre certains thèmes ou xmooc plus prisés que d'autres et derivera vers de leadership puis vers le loobying tant pour le xmooc que la workplace. la neutralité des xmooc permet de conserver un certain libre arbitre et un objectivité (plus ou pire même) une ouverture d'esprit qui incitera encore plus à la créativité. pour faire simple l'enseignement Oui, la modéliation ou/et l'embrigadement Non! selon moi ce qui fait le plus des xmooc c'est leur neutralité et leur autonomité même si elles réclament des fonds. Bonne journée et Merci à Naima pour cet article super intéressant.
Naima Diviès2013-07-09 20:59:23
Merci pour ce complément sur les cMOOC. L'article a été orienté volontairement sur les xMOOC. Et vous avez raison, nous aurions du préciser la typologie des plateformes étudiées. Nous avons souhaité mettre en relief les liens potentiels entre les xMOOC et le développement de la marque employeur. Je ne suis pas certaine que l'insertion de "pub" sur les cMOOC puisse être bien perçue. L'attrait des cMOOC réside dans la co-construction des contenus et la forte implication des étudiants. L'introduction d'une publicité, avant le cours et/ ou pendant, ne serait peut être pas du gout de tous. A suivre, le débat reste ouvert. Merci encore pour vos commentaires; Naima
Michel DENIS2013-07-08 15:21:57
L'article ne décrit que les "xMOOC", qui fonctionnent de façon assez traditionnelle (c.a.d. délivrer de la formation). Mais il y a une grande, seconde catégorie de MOOCs: les cMOOC, basés sur le connectivisme, où ce sont les apprenants qui créent de manière participative et interactive le contenu pédagogique, sous le coaching/facilitation des animateurs (on ne parle plus de professeur ...).
Diviès Naima2013-07-05 10:36:47
Merci Simon pour tes remarques qui enrichissent le débat. Il est vrai que le billet ciblait principalement la marque employeur et les MOOCs ... Je suis tout à fait en phase avec toi sur les multiples opportunités que représentent les MOOCs dans le cadre de l'entreprise 2.0 .... La "digitalisation" impose aux entreprises d'intégrer tous les acteurs de son écosystème (formation de ses clients, de ses fournisseurs ...). Les MOOCs font partie de l'e-transformation de l'entreprise pour les raisons que tu as clairement identifiées. Amicalement; Naima
Vuillaume2013-07-05 00:12:17
Merci Naima pour cet excellent article ... Les entreprises ont en effet pas mal de raisons de s'intéresser aux Moocs: A propos de leur marque employeur sans doute, mais aussi : 1) - Pour développer massivement certaines competences manquantes sur le marché ( voir l'initiative récente de Xavier Niel avec son Ecole 42) 2) - Pour renforcer leur ecosysteme, leur entreprise étendue - réseaux de distribution, clients, fournisseurs... (Dont la formation représente quelque fois des budgets supérieurs à ceux de la formation de leurs propres employés) 3) - Pour accompagner leurs transformations globales (au premier desquelles, la révolution digitale ) grâce à des programmes susceptibles d'être déployés rapidement et à moindres coûts en s'affranchissant des distances et des silos Simon

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